Persistance de l'approche bio-médicale du handicap
« Changeons de regard » martèle la campagne de communication du gouvernement (octobre 2021) afin de donner une meilleure place dans la société aux personnes en situation de handicap, afin de faire advenir une société inclusive. En effet, un changement de regard favoriserait certainement les représentations négatives sur les personnes handicapées (des personnes de moindre « valeur » que les personnes valides) pour instituer une approche centrée sur la diversité humaine d’égale valeur quelles que soient ses caractéristiques, et par conséquent des fonctionnements sociaux permettant de façon effective leur participation sociale et l’accès aux droits de tous. Mais un changement de regard ne se fait pas hors contexte, sur des principes éthérés de bienveillance, voire de charité. Le regard, les représentations sont ancrées dans un système social qui dépasse et détermine les individus.
L’approche bio-médicale, qui associe le handicap à la
déficience, à la maladie, aux troubles, qui fait du handicap un problème de
santé et non un problème social, contribue à forger ces regards. Or la France,
comme l’indiquent les rapports de la commission sur les droits des personnes
handicapées de l’ONU, reste ancrée sur cette approche bio-médicale. Ce n’est
pas spontanément que le public adhère à une telle approche, même si celle-ci
est facile à comprendre et assimiler en raison de son caractère de simplicité
et de causalité : la déficience est cause des incapacités, causes
elles-mêmes de désavantages sociaux, c’est-à-dire de handicap. Et même si cette approche est un héritage
archaïque de notre rapport aux personnes en situation de handicap.
Il y a aussi, et peut-être surtout, que les choix politiques
faits depuis quelques décennies institutionnalisent toujours cette approche
bio-médicale, à rebours des approches choisies par la plupart des pays
occidentaux. La loi du 2 février 2005 définit le handicap comme une situation
subie en raison de caractéristiques biologiques ou physiques. Subie,
c’est-à-dire que c’est bien en raison d’ « altération substantielle,
durable ou définitive… » chez la personne que l’on peut qualifier un
handicap. Loin d’une approche sociale ou écosystémique qui considère le
fonctionnement de l’environnement comme un facteur de production du handicap
d’une personne.
A partir de là, toute l’inspiration des politiques publiques
conduit à des organisations, des décisions, une administration mettant le
handicap sous le pilotage de problématiques de santé. Même si le secrétariat
aux personnes handicapées est rattaché depuis quelques années au Premier
ministre, toute l’administration, laquelle met en œuvre les politiques en
question, reste sous la responsabilité du ministère de la Santé. Depuis 2009,
le secteur médico-social est sous administration des ARS (Agence Régionale de
Santé), ce qui n’est pas sans donner une certaine couleur sanitaire aux préoccupations
du secteur. C’est la Haute Autorité de Santé (HAS) qui produit les référentiels
de bonnes pratiques, non seulement en ce qui concerne les soins, mais en ce qui
concerne toutes les problématiques d’habitudes de vie des personnes en
situation de handicap (type d’éducation, bonnes pratiques professionnelles dans
tous les domaines) : là aussi les contenus produits ne sont pas neutres,
ou issus d’une approche alternative, mais colorés par une approche sanitaire,
même si celle-ci veut embrasser des problématiques larges. Les recherches
privilégiées et financées prioritairement concernent davantage les déficiences
ou les troubles (à travers les projets de l’INSERM ou des laboratoires de
psychologie cognitive) que l’identification des situations de handicap selon
des approches pluridisciplinaires. Conduisant par exemple à considérer quasi
systématiquement les difficultés à l’école comme des troubles, sans considérer
les effets du fonctionnement de l’école sur certains apprentissages.
Dans ces approches bio-médicales, la question de l’adaptation
de la société (l’accessibilité) aux caractéristiques des personnes en situation
de handicap ne se pose pas, pas plus que celle de leurs droits à pouvoir avoir
des activités comme et avec tout le monde. Une telle approche constitue un
véritable obstacle à une société inclusive.
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