Une école à orientation non inclusive ?
A l’intérieur même d’un certain discours politique
promouvant l’inclusion à l’école et un système éducatif inclusif, il existe une
« idéologie » qui crée les conditions d’une école partagée entre une
évolution inclusive et une évolution qui met en place des obstacles à
l’inclusion. Les évolutions vers l’inclusion sont connues et font l’objet de
nombreuses communications : des textes réglementaires, des
sensibilisations et des formations, des nouveaux dispositifs, etc… Certains
obstacles sont également connus : le manque de moyens, les dispositifs
semi-inclusifs, les réticences de certains professionnels, etc…
D’autres phénomènes, plus subtils, sont présents dans cette « idéologie », et contribuent à rendre paradoxalement l’école en difficulté pour devenir inclusive. Ainsi la médicalisation des difficultés scolaires est-elle susceptible de justifier une certaine exclusion de l’école en accroissant les inégalités entre élèves.
Que se passe-t-il en effet lorsqu’un enfant, issu des
catégories populaires ou moyennes, rencontre des difficultés dans ses
apprentissages ou dans son comportement à l’école ? Il est rapidement
considéré comme ayant des troubles (cognitifs ou neuro-cognitifs quand il
rencontre des difficultés d’apprentissage, psychiques quand cela ce manifeste
par des comportements inadéquats). Ces enfants ne se conforment pas aux
attendus (compétences sociales ou cognitives) de l’école, attendus auxquels se
conforment le plus souvent les enfants issus des catégories moyennes
supérieures ou supérieures, ceux-ci faisant déjà chez eux l’apprentissage
d’être élève, tant par les activités réalisées que par l’intervention
pédagogisante des parents pour faire incorporer ce que l’on va exiger d’eux à
l’école.
Une fois cette assignation effectuée, les conséquences au
quotidien s’avèrent nombreuses, dont la première est la voie de la
handicapisation. La reconnaissance des difficultés identifiée passe par la
qualification de handicap. Mais un enfant qui a, par exemple, des difficultés à
comprendre la langue ou à s’exprimer, un enfant qui a du mal à apprendre à lire
ou à écrire est-il un handicapé ? Il a certes des difficultés, parfois
qualifiées et diagnostiquées médicalement comme troubles, déficiences,
maladies, ou encore comme « altérations » comme le définit la loi de
2005. Certes encore, il se trouve dans une situation de handicap lorsqu’il est
en situation de communication avec d’autres personnes, ou lorsqu’il tente
l’apprentissage de la lecture. Mais dans l’incertitude d’une frontière définie
entre difficultés importantes et un trouble diagnostiqué (souvent les
difficultés importantes sont pathologisées sur critères sociaux qui se
prétendent médicaux), la relégation de ces enfants au handicap relègue dans le
même temps les préoccupations pédagogiques en dehors de l’école.
La handicapisation a elle-même des effets dévastateurs sur
la scolarisation. Dans les représentations de enseignants, un handicap est
associé aux images et aux actions de ne pas trop exiger, ainsi que ne pas trop
attendre (et l’on connait l’effet Pygmalion sur les résultats de ces
attitudes). Par ailleurs, dans ce cadre idéologique, les difficultés sont
attribuées à l’enfant lui-même, pas aux dispositifs d’apprentissages, qui pourtant
mériteraient d’être modifiés pour enseigner à tous. Conséquence : les
activités de remédiation ne sont plus de l’ordre de la classe et de l’activité
de différenciation des enseignants, mais attribuées à des spécialistes
agissant, au nom de la pathologie et sur prescription médicale, en dehors ou à
côté de la classe. Avec parfois de activités très éloignées des apprentissages
scolaires (une activité poney sur une demie journée de classe) dont personne
n’a fait la preuve en termes d’effets sur les apprentissages.
Dans cette posture de handicapisation, l’école développe des
phénomènes d’exclusion, en évitant de prendre en compte les modifications
nécessaires à mener sur le plan pédagogique.
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