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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 26 avril 2021

handicap et situations de handicap

Handicap et situations de handicap

On rencontre de plus en plus souvent, dans le discours médiatique ou dans les discours professionnels et de spécialistes, les termes de « situation de handicap ». Cela signifie-t-il que l’on a changé de modèle explicatif concernant les situations vécues par les « personnes handicapées » ? Que l’on est passé d’un modèle attribuant à la personne ayant telles ou telles caractéristiques de déficience, de troubles ou d’incapacités à un modèle situationnel qui explique la situation de handicap vécue par une personne par la rencontre entre ses propres caractéristiques et les caractéristiques de son environnement, rencontre ou interaction qui a des effets sur les situations et les habitudes de vie ? Ou bien la formulation en termes de « situation de handicap » ne fait-elle que remplacer, sans changement majeur ni de représentations ni de pratiques, la formulation en termes de « handicapé », terme qui lui-même avait remplacé, sans changements majeurs non plus, les termes de déficience et d’incapacités ?

A observer les usages qui sont fait de la terminologie de « situation de handicap », on peut en effet mettre en doute le changement de paradigme. En effet, on rencontre fréquemment cette terminologie accolée à des qualificatifs de déficience ou d’incapacités : « situation de handicap moteur, situation de handicap sensoriel ». Les qualificatifs en question renvoient en effet aux caractéristiques individuelles au niveau bio-psycho-médical, laissant de côté des facteurs environnementaux comme éléments constitutifs d’une situation, celle de handicap en l’occurrence.

Si l’on essaie de définir ce qu’est un handicap dans une perspective situationnelle (et non dans un descriptif de catégorisation d’une population), on peut se tourner vers les définitions données soit par la Convention des droits des personnes handicapées (ONU, 2006), soit par la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (OMS, 2001), soit encore par la classification du Processus de Production du Handicap (RIPPH, 1998, 2018). Les trois définitions postulent d’une interaction entre les caractéristiques d’une personne et les caractéristiques d’un environnement, ces caractéristiques devenant ainsi des facteurs de restrictions de participation et de situations de handicap dans diverses circonstances.

L’utilisation d’une formulation comme « situation de handicap sensoriel » manifeste pour le moins une méconnaissance ou une incompréhension de la notion de situation de handicap. Elle rabat sur les seules caractéristiques corporelles et d’aptitudes l’explication de la situation. Pour quelqu’un qui a une déficience sensorielle, la situation de handicap se rencontre dans des situations de communication avec les autres, dans des situations d’apprentissages scolaires, dans des situations de travail, etc. Les caractéristiques sensorielles interviennent bien évidemment comme l’un des facteurs de la situation de handicap. Mais l’utilisation d’une telle formulation fait de la notion de situation un équivalent de la déficience ou de la caractérisation « administrative » du handicap.

Elle manifeste en définitive la persistance d’une vision défectologique des personnes handicapées. La norme valide reste la norme à atteindre, et l’écart à la norme, observable dans une situation ou une habitude de vie, tient encore et est attribuée aux caractéristiques « imparfaites » (les aspects moteurs, les aspects sensoriels de la personne) qui ne fonctionnent pas normalement dans des environnements qui ne sont pas prévus pour s’adapter à ces fonctionnements particuliers.

Le langage a cette vertu de traduire les réalités, mais aussi de pouvoir les masquer. Il apparait bien ici que l’utilisation d’une formulation nouvelle, « situation de handicap », assortie de qualificatifs concernant les fonctions corporelles, sert, de façon consciente ou inconsciente, à masquer une absence de changement de modèle explicatif de ce que sont les situations de handicap, à pérenniser de représentations dévalorisantes des personnes concernées, à renforcer des approches validistes des relations avec elles, interdisant toute perspective émancipatoire.

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