Parole d'exclus - handicap, combien au bord du chemin ?
de Frédérique MEUNIER (L'Harmattan, 2019)C’est ce qu’avance Charles Gardou dans la préface :
« Sauf à développer des techniques d’occultation de la réalité, l’on
constate que la voix de ceux qui vivent le handicap au quotidien n’est guère
attendue ; que l’expertise issue de leur expérience n’est pas considérée à
sa juste valeur. » Les témoignages sont souvent poignants, et toujours
mettent en évidence les manquements graves dans l’organisation des réponses. La
plupart des témoignages relate certes des situations complexes ou rares,
attestant par là de la difficulté à prendre en compte des situations concrètes
de vie en dehors des catégories déjà instituées. Combien de parents n’ont-ils
pas entendu que leur enfant ne correspondait pas à la catégorie de population
accueillie dans tel ou tel établissement, ou que le comportement de leur enfant
mettait en danger l’institution. Mais alors ces institutions ne peuvent que
laisser les situations les plus problématiques à la seule charge des parents,
pour lesquels on imagine bien les obstacles insurmontables qu’ils ont à
affronter.
Dans ce qui m’a frappé dans ces témoignages, il est un
aspect qui persiste et qui tient à la manière dont le handicap a été
conceptualisé dans l’histoire. Le handicap, qui ne portait pas encore son nom, était
considéré comme une maladie, qu’il fallait donc soigner, à défaut de le guérir.
Ainsi, ce que l’on identifie depuis 2005 comme « handicap psychique »
n’était auparavant qu’une maladie psychique ; aujourd’hui, il y a bien
toujours maladie, qu’il importe de soigner. Mais dans cette préoccupation
première de soins du système psychique, on a oublié le reste, c’est-à-dire tous
les obstacles à la réalisation d’habitudes de vie, comme d’être en bonne santé
physique, de vivre correctement dans sa famille ou dans un milieu choisi,
travailler, etc…
Plusieurs témoignages attestent de ces carences, qui mettent
véritablement en difficultés les familles et les environnements. Manquent aussi
dans ces situations les accompagnements aux besoins de vie, délibérément occultés
par les experts du soin psychique. Il me semble qu’il y a un enjeu
fondamental : considère-t-on la santé (ici psychique) comme le but suprême
des réponses à apporter, ou bien les soins (parfois vitaux) ne sont-ils qu’un
des éléments d’une vie en mouvement et en projet ? Tant que l’on soumettra
les réponses aux besoins de vie aux réponses aux besoins de santé et de soins,
tant que les soins constitueront la réponse première, parfois exclusive, les
personnes en situations de handicap, bien plus largement que les personnes qui
ont un trouble ou une maladie psychique, resteront soumises à des expertises
externes légitimées par le sceau médical, et dans l’incapacité d’exercer la
moindre autodétermination.
L’un des experts à qui F. Meunier donne la parole (le Dr Philippe
Marque) » le note : « La situation médicale dit que le
handicap est un problème de déficience. Les pouvoirs politiques attendent donc
que la déficience soit soignée pour rendre les lieux accessibles. Rien ne
bougera tant que le handicap restera un problème de déficience. » La
réforme en cours de secteur médico-social (SERAFIN-PH) reste globalement sur
cette ligne, même si cette ligne est passée de la déficience à la notion de
besoins : mais celle-ci est basée sur la notion d’écart avec les normes en
vigueur, et à ce titre reproduit la notion de déficience. Et ajoute-t-il :
« J’ai souvent été frappé de voir que des personnes haut placées dans
l’administration de la santé ne connaissaient pas les définitions de l’OMS.
Cela devrait faire partie de leur formation et leur permettrait d’avoir une
vision globale du handicap, et non pas par déficience, par organe ou par
spécialité. » Ce constat s’applique encore aujourd’hui à la conception
du handicap où les réponses sont organisées à l’aune de besoins déterminés
comme écart aux normes, et non en fonction des obstacles à l’accès aux droits
et à la réalisation des habitudes de vie et des rôles sociaux.
C’est ce qu’avance Charles Gardou dans la préface :
« Sauf à développer des techniques d’occultation de la réalité, l’on
constate que la voix de ceux qui vivent le handicap au quotidien n’est guère
attendue ; que l’expertise issue de leur expérience n’est pas considérée à
sa juste valeur. » Les témoignages sont souvent poignants, et toujours
mettent en évidence les manquements graves dans l’organisation des réponses. La
plupart des témoignages relate certes des situations complexes ou rares,
attestant par là de la difficulté à prendre en compte des situations concrètes
de vie en dehors des catégories déjà instituées. Combien de parents n’ont-ils
pas entendu que leur enfant ne correspondait pas à la catégorie de population
accueillie dans tel ou tel établissement, ou que le comportement de leur enfant
mettait en danger l’institution. Mais alors ces institutions ne peuvent que
laisser les situations les plus problématiques à la seule charge des parents,
pour lesquels on imagine bien les obstacles insurmontables qu’ils ont à
affronter.
Dans ce qui m’a frappé dans ces témoignages, il est un
aspect qui persiste et qui tient à la manière dont le handicap a été
conceptualisé dans l’histoire. Le handicap, qui ne portait pas encore son nom, était
considéré comme une maladie, qu’il fallait donc soigner, à défaut de le guérir.
Ainsi, ce que l’on identifie depuis 2005 comme « handicap psychique »
n’était auparavant qu’une maladie psychique ; aujourd’hui, il y a bien
toujours maladie, qu’il importe de soigner. Mais dans cette préoccupation
première de soins du système psychique, on a oublié le reste, c’est-à-dire tous
les obstacles à la réalisation d’habitudes de vie, comme d’être en bonne santé
physique, de vivre correctement dans sa famille ou dans un milieu choisi,
travailler, etc…
Plusieurs témoignages attestent de ces carences, qui mettent
véritablement en difficultés les familles et les environnements. Manquent aussi
dans ces situations les accompagnements aux besoins de vie, délibérément occultés
par les experts du soin psychique. Il me semble qu’il y a un enjeu
fondamental : considère-t-on la santé (ici psychique) comme le but suprême
des réponses à apporter, ou bien les soins (parfois vitaux) ne sont-ils qu’un
des éléments d’une vie en mouvement et en projet ? Tant que l’on soumettra
les réponses aux besoins de vie aux réponses aux besoins de santé et de soins,
tant que les soins constitueront la réponse première, parfois exclusive, les
personnes en situations de handicap, bien plus largement que les personnes qui
ont un trouble ou une maladie psychique, resteront soumises à des expertises
externes légitimées par le sceau médical, et dans l’incapacité d’exercer la
moindre autodétermination.
L’un des experts à qui F. Meunier donne la parole (le Dr Philippe
Marque) » le note : « La situation médicale dit que le
handicap est un problème de déficience. Les pouvoirs politiques attendent donc
que la déficience soit soignée pour rendre les lieux accessibles. Rien ne
bougera tant que le handicap restera un problème de déficience. » La
réforme en cours de secteur médico-social (SERAFIN-PH) reste globalement sur
cette ligne, même si cette ligne est passée de la déficience à la notion de
besoins : mais celle-ci est basée sur la notion d’écart avec les normes en
vigueur, et à ce titre reproduit la notion de déficience. Et ajoute-t-il :
« J’ai souvent été frappé de voir que des personnes haut placées dans
l’administration de la santé ne connaissaient pas les définitions de l’OMS.
Cela devrait faire partie de leur formation et leur permettrait d’avoir une
vision globale du handicap, et non pas par déficience, par organe ou par
spécialité. » Ce constat s’applique encore aujourd’hui à la conception
du handicap où les réponses sont organisées à l’aune de besoins déterminés
comme écart aux normes, et non en fonction des obstacles à l’accès aux droits
et à la réalisation des habitudes de vie et des rôles sociaux.
Tous les professionnels travaillant dans le secteur médico-social devraient lire ces témoignages : ils percevraient peut-être comme le « système » dans lequel ils travaillent met à mal des situations de vie, sans même parfois qu’ils s’en rendant compte, tant ils sont dans l’évidence professionnelle de leurs interventions. Peut-être ces témoignages, ces paroles d’exclus, pourront-ils les interroger.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire