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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 4 janvier 2021

lecture : Parole d'exclus

Parole d'exclus - handicap, combien au bord du chemin ?

de Frédérique MEUNIER (L'Harmattan, 2019)

On ne le dira jamais assez : les proclamés experts, quels qu’ils soient, auraient intérêt à connaitre de près les situations vécues par les personnes en situation de handicap. Cela éviterait à certains d’entre eux de proclamer les miracles supposés de l’inclusion (je pense ici aux politiques ou aux technocrates qui les conseillent), ou de nier les actuelles carences des accueils et accompagnements (je pense ici aux professionnels dirigeants et de terrain des établissements et services). L’ouvrage de Frédérique Meunier est susceptible de remplir l’office d’information à ce niveau : il donne la parole à des exclus pour raison de situations de handicap, à ces personnes en situation de handicap elles-mêmes ou à celles qui sont tenues d’être présentes au quotidien auprès d’elles, faute d’un accueil ou d’accompagnement pertinents.

Les personnes en situations de handicap ont affaire à une multitude d’experts ès handicap : les médecins qui font des diagnostics de déficience, de maladies, de troubles et d’incapacités, les professionnels qui font des évaluations des capacités et incapacités et qui leur fournissent des prestations, l’administration qui détermine, définit et décide les prestations dont elles ont besoin… Mais ces personnes handicapées, on ne les entend que rarement. Certes aujourd’hui, plusieurs d’entre elles ont publié des ouvrages, livré leurs témoignages, animent des blogs, font des conférences. Cet ouvrage, sur un autre registre, vient apporter sa pierre à l’expression, directe ou indirecte, des personnes en situation de handicap, témoignant des difficultés de vivre au quotidien cette situation. Les témoignages des familles relatant et dénonçant les multiples obstacles auxquels elles ont dû faire face, et les ressources dans lesquelles elles ont dû puiser ne peuvent être ignorés.

C’est ce qu’avance Charles Gardou dans la préface : « Sauf à développer des techniques d’occultation de la réalité, l’on constate que la voix de ceux qui vivent le handicap au quotidien n’est guère attendue ; que l’expertise issue de leur expérience n’est pas considérée à sa juste valeur. » Les témoignages sont souvent poignants, et toujours mettent en évidence les manquements graves dans l’organisation des réponses. La plupart des témoignages relate certes des situations complexes ou rares, attestant par là de la difficulté à prendre en compte des situations concrètes de vie en dehors des catégories déjà instituées. Combien de parents n’ont-ils pas entendu que leur enfant ne correspondait pas à la catégorie de population accueillie dans tel ou tel établissement, ou que le comportement de leur enfant mettait en danger l’institution. Mais alors ces institutions ne peuvent que laisser les situations les plus problématiques à la seule charge des parents, pour lesquels on imagine bien les obstacles insurmontables qu’ils ont à affronter.

Dans ce qui m’a frappé dans ces témoignages, il est un aspect qui persiste et qui tient à la manière dont le handicap a été conceptualisé dans l’histoire. Le handicap, qui ne portait pas encore son nom, était considéré comme une maladie, qu’il fallait donc soigner, à défaut de le guérir. Ainsi, ce que l’on identifie depuis 2005 comme « handicap psychique » n’était auparavant qu’une maladie psychique ; aujourd’hui, il y a bien toujours maladie, qu’il importe de soigner. Mais dans cette préoccupation première de soins du système psychique, on a oublié le reste, c’est-à-dire tous les obstacles à la réalisation d’habitudes de vie, comme d’être en bonne santé physique, de vivre correctement dans sa famille ou dans un milieu choisi, travailler, etc…

Plusieurs témoignages attestent de ces carences, qui mettent véritablement en difficultés les familles et les environnements. Manquent aussi dans ces situations les accompagnements aux besoins de vie, délibérément occultés par les experts du soin psychique. Il me semble qu’il y a un enjeu fondamental : considère-t-on la santé (ici psychique) comme le but suprême des réponses à apporter, ou bien les soins (parfois vitaux) ne sont-ils qu’un des éléments d’une vie en mouvement et en projet ? Tant que l’on soumettra les réponses aux besoins de vie aux réponses aux besoins de santé et de soins, tant que les soins constitueront la réponse première, parfois exclusive, les personnes en situations de handicap, bien plus largement que les personnes qui ont un trouble ou une maladie psychique, resteront soumises à des expertises externes légitimées par le sceau médical, et dans l’incapacité d’exercer la moindre autodétermination.

L’un des experts à qui F. Meunier donne la parole (le Dr Philippe Marque) » le note : « La situation médicale dit que le handicap est un problème de déficience. Les pouvoirs politiques attendent donc que la déficience soit soignée pour rendre les lieux accessibles. Rien ne bougera tant que le handicap restera un problème de déficience. » La réforme en cours de secteur médico-social (SERAFIN-PH) reste globalement sur cette ligne, même si cette ligne est passée de la déficience à la notion de besoins : mais celle-ci est basée sur la notion d’écart avec les normes en vigueur, et à ce titre reproduit la notion de déficience. Et ajoute-t-il : « J’ai souvent été frappé de voir que des personnes haut placées dans l’administration de la santé ne connaissaient pas les définitions de l’OMS. Cela devrait faire partie de leur formation et leur permettrait d’avoir une vision globale du handicap, et non pas par déficience, par organe ou par spécialité. » Ce constat s’applique encore aujourd’hui à la conception du handicap où les réponses sont organisées à l’aune de besoins déterminés comme écart aux normes, et non en fonction des obstacles à l’accès aux droits et à la réalisation des habitudes de vie et des rôles sociaux.

Tous les professionnels travaillant dans le secteur médico-social devraient lire ces témoignages : ils percevraient peut-être comme le « système » dans lequel ils travaillent met à mal des situations de vie, sans même parfois qu’ils s’en rendant compte, tant ils sont dans l’évidence professionnelle de leurs interventions. Peut-être ces témoignages, ces paroles d’exclus, pourront-ils les interroger.icap ont affaire à une multitude d’experts ès handicap : les médecins qui font des diagnostics de déficience, de maladies, de troubles et d’incapacités, les professionnels qui font des évaluations des capacités et incapacités et qui leur fournissent des prestations, l’administration qui détermine, définit et décide les prestations dont elles ont besoin… Mais ces personnes handicapées, on ne les entend que rarement. Certes aujourd’hui, plusieurs d’entre elles ont publié des ouvrages, livré leurs témoignages, animent des blogs, font des conférences. Cet ouvrage, sur un autre registre, vient apporter sa pierre à l’expression, directe ou indirecte, des personnes en situation de handicap, témoignant des difficultés de vivre au quotidien cette situation. Les témoignages des familles relatant et dénonçant les multiples obstacles auxquels elles ont dû faire face, et les ressources dans lesquelles elles ont dû puiser ne peuvent être ignorés.

C’est ce qu’avance Charles Gardou dans la préface : « Sauf à développer des techniques d’occultation de la réalité, l’on constate que la voix de ceux qui vivent le handicap au quotidien n’est guère attendue ; que l’expertise issue de leur expérience n’est pas considérée à sa juste valeur. » Les témoignages sont souvent poignants, et toujours mettent en évidence les manquements graves dans l’organisation des réponses. La plupart des témoignages relate certes des situations complexes ou rares, attestant par là de la difficulté à prendre en compte des situations concrètes de vie en dehors des catégories déjà instituées. Combien de parents n’ont-ils pas entendu que leur enfant ne correspondait pas à la catégorie de population accueillie dans tel ou tel établissement, ou que le comportement de leur enfant mettait en danger l’institution. Mais alors ces institutions ne peuvent que laisser les situations les plus problématiques à la seule charge des parents, pour lesquels on imagine bien les obstacles insurmontables qu’ils ont à affronter.

Dans ce qui m’a frappé dans ces témoignages, il est un aspect qui persiste et qui tient à la manière dont le handicap a été conceptualisé dans l’histoire. Le handicap, qui ne portait pas encore son nom, était considéré comme une maladie, qu’il fallait donc soigner, à défaut de le guérir. Ainsi, ce que l’on identifie depuis 2005 comme « handicap psychique » n’était auparavant qu’une maladie psychique ; aujourd’hui, il y a bien toujours maladie, qu’il importe de soigner. Mais dans cette préoccupation première de soins du système psychique, on a oublié le reste, c’est-à-dire tous les obstacles à la réalisation d’habitudes de vie, comme d’être en bonne santé physique, de vivre correctement dans sa famille ou dans un milieu choisi, travailler, etc…

Plusieurs témoignages attestent de ces carences, qui mettent véritablement en difficultés les familles et les environnements. Manquent aussi dans ces situations les accompagnements aux besoins de vie, délibérément occultés par les experts du soin psychique. Il me semble qu’il y a un enjeu fondamental : considère-t-on la santé (ici psychique) comme le but suprême des réponses à apporter, ou bien les soins (parfois vitaux) ne sont-ils qu’un des éléments d’une vie en mouvement et en projet ? Tant que l’on soumettra les réponses aux besoins de vie aux réponses aux besoins de santé et de soins, tant que les soins constitueront la réponse première, parfois exclusive, les personnes en situations de handicap, bien plus largement que les personnes qui ont un trouble ou une maladie psychique, resteront soumises à des expertises externes légitimées par le sceau médical, et dans l’incapacité d’exercer la moindre autodétermination.

L’un des experts à qui F. Meunier donne la parole (le Dr Philippe Marque) » le note : « La situation médicale dit que le handicap est un problème de déficience. Les pouvoirs politiques attendent donc que la déficience soit soignée pour rendre les lieux accessibles. Rien ne bougera tant que le handicap restera un problème de déficience. » La réforme en cours de secteur médico-social (SERAFIN-PH) reste globalement sur cette ligne, même si cette ligne est passée de la déficience à la notion de besoins : mais celle-ci est basée sur la notion d’écart avec les normes en vigueur, et à ce titre reproduit la notion de déficience. Et ajoute-t-il : « J’ai souvent été frappé de voir que des personnes haut placées dans l’administration de la santé ne connaissaient pas les définitions de l’OMS. Cela devrait faire partie de leur formation et leur permettrait d’avoir une vision globale du handicap, et non pas par déficience, par organe ou par spécialité. » Ce constat s’applique encore aujourd’hui à la conception du handicap où les réponses sont organisées à l’aune de besoins déterminés comme écart aux normes, et non en fonction des obstacles à l’accès aux droits et à la réalisation des habitudes de vie et des rôles sociaux.

Tous les professionnels travaillant dans le secteur médico-social devraient lire ces témoignages : ils percevraient peut-être comme le « système » dans lequel ils travaillent met à mal des situations de vie, sans même parfois qu’ils s’en rendant compte, tant ils sont dans l’évidence professionnelle de leurs interventions. Peut-être ces témoignages, ces paroles d’exclus, pourront-ils les interroger.

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