La discrimination inclusive
Des textes récents semblent enfin donner le droit pour les
enfants handicapés orientés en établissements médico-sociaux et bénéficiant de
dispositifs de scolarisation externalisés en établissement scolaire d’être
inscrit dans celui-ci. Il reste à voir dans quelles conditions cette
inscription de droit pourra être mise en œuvre. L’expérience à ce niveau ne
plaide pas pour une mise en œuvre facile et évidente, au regard des résistances
de longue date de l’administration de l’Education nationale à acter ce droit.
Voici un bref scénario de cette histoire complexe.
J’ai été responsable, dans un établissement spécialisé, de plusieurs dispositifs externalisés dans des collèges, en particulier dans la période de la promulgation de la loi de 2005 jusqu’en 2016. Ces dispositifs, qui sont devenus des unités d’enseignement externalisées, comprenaient des élèves (des jeunes sourds) qui étaient inclus dans les classes du collège et accompagnés, par des interfaces traduisant en langue des signes ou des enseignants spécialisés. Ils comprenaient aussi d’autres élèves handicapés qui ne parvenaient pas à être inclus dans les classes du collège, sauf en Education physique et sportive et Arts plastiques (les raisons de leur « exclusion » des classes de collège mériteraient interrogation), et qui par conséquent avaient leur parcours de formation en dispositif spécialisé (classes) au sein du collège.
L’un des obstacles, objet d’un conflit permanent avec
l’administration de l’éducation nationale, fut la question de leur inscription
dans l’établissement scolaire. L’administration de l’éducation nationale n’eut
de cesse de refuser cette inscription. Qu’ils soient en permanence dans une
classe de collège, fussent-ils accompagnés par des professionnels du service
médico-social, ou qu’ils n’y soient que pour quelques cours, c’était non à
l’inscription. Parmi les motifs invoqués, celui de l’impossibilité (non
réglementaire par ailleurs) d’une double inscription, ou l’impossibilité de
l’inscription en raison du faible temps dans la classe, ou encore la
possibilité d’une hypothétique inscription inactive (le terme était bien
choisi !) dans l’établissement scolaire du lieu d’habitation.
Cette situation était évidemment un obstacle majeur à la mise
en place et au développement de l’inclusion. Comment « rajouter » des
élèves en plus dans des classes prévues ou réparties en fonction du seul nombre
des élèves non handicapés ? C’est ainsi que 6 élèves pouvaient être
rajoutés à une classe de 26 ou 28, situation légitimement dénoncée par les
enseignants, et prétexte à résister à tout examen d’une possibilité
d’inclusion. Finalement, cette situation devint intenable, et les élèves qui
étaient en totalité en inclusion, parvinrent à être inscrits, sur un malentendu
administratif, et il fut difficile de revenir en arrière. Mais pour ceux qui
n’étaient qu’inclus à temps partiel, l’inscription ne fut jamais
possible : une pseudo inscription inactive fut activée, mais elle
n’empêcha pas les élèves de ne pas être comptabilisés à la restauration
scolaire ou d’être « oubliés » dans des activités scolaires, de ne
pas pouvoir avoir les bulletins scolaires de l’établissement ni les dotations
élèves de l’établissement ; elle n’empêcha pas non plus les élèves ou les
parents de ne pas pouvoir exercer leurs droits (conseils de classe, délégués de
parents…). Ils étaient en quelque sorte des étrangers, des intrus, au sein de l’établissement
scolaire.
Une circulaire sur le parcours de formation des élèves en
situation de handicap de 2016 pouvait laisser penser à une amélioration. Mais
le texte étant ambigu, la situation de non inscription des élèves d’unité
d’enseignement externalisé en établissement scolaire est restée une pratique
habituelle, jusqu’à ces textes récents. Mais ceux-ci changeront-ils quelque
chose à la situation de discrimination qui se pérennise, y compris sous le
vocabulaire d’inclusion ? Depuis 2005, les élèves en situation de handicap
ont acquis le droit d’être inscrits dans les établissements scolaires. Depuis
2005, l’éducation nationale a développé beaucoup d’imagination pour ne pas
mettre en application ce droit.
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