Sanitarisation du handicap
Il peut sembler paradoxal d’évoquer une sanitarisation du
handicap à l’heure ou les personnes en situation de handicap sont davantage
reconnues dans leurs droits, tant dans la philosophie de la loi de 2005 sur
« l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées » que dans la Convention
relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la France en 2010.
Ces évolutions sont accompagnées d’un discours prétendant faire évoluer les
conceptions d’une approche de soins ver une approche de droits. Pour autant,
traces du passé et injonctions du présent, les personnes en situation de
handicap font toujours l’objet d’un enjeu prioritaire de soins.
Tout d’abord en ce que la notion de santé a évolué : depuis la fin de seconde guerre mondiale, la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en l'absence de maladies ou d'infirmité. A ce titre, la préoccupation de santé recouvre d’immenses domaines du fonctionnement humain, y compris dans ses aspects sociaux. Lorsqu’il n’y a pas de problème majeur de fonctionnement, les conséquences de cette approche ne sont pas visibles, mais dès lors qu’il y a handicap, tous les aspects de la vie ont tendance à être soumis à des critères de santé.
Les vieilles habitudes dans les pratiques de prise en charge
des personnes handicapées n’ont bien évidemment pas disparu. Le thérapeutique,
présent dans le triangle institutionnel pédagogique/éducatif/thérapeutique a
pris de l’ampleur à l’appui des innovations thérapeutiques et cliniques et de
la croissance exponentielle des professionnels paramédicaux. Au point même
parfois que ce volet soit parfois mis comme pilote des volets éducatifs et pédagogiques
(en termes de méthodes comme de priorités d’intervention). A l’image de ce qui
se passe dans les EHPAD, où les grilles médicales sont d’une importance extrême
dans les modèles tarifaires (prestations de soins ou celles relevant de la
perte d’autonomie), dans une moindre mesure, les critères qui arrivent des les
services de personnes handicapés sont très référés aux soins, et les
prestations validées au regard des besoins de santé au sens large (et quasi
comprenant l’autonomie et la participation sociale). La préoccupation de soin
reste encore première par rapport à celle de droits.
Depuis 2009, le secteur médico-social, maitre d’œuvre de
l’accompagnement des personnes en situation de handicap, est rattaché, pour ne
pas dire soumis, aux Agences Régionales de Santé. Cela a remis le contexte
politique, organisationnel, et idéologique de l’accompagnement dans une
problématique politique, organisationnelle et idéologique de gestion de la
Santé. Les priorités descendant de l’administration de la santé sur le terrain
de l’accompagnement sont bien évidemment dans ce contexte des priorités de
santé, renforçant dans les pratiques une approche de santé.
Ces orientations et tendances sociétales se heurtent aux
objectifs de participation sociale, d’autonomie, qui sont pourtant la marque du
rapport des sociétés avec les personnes handicapées. Et ce n’est pas l’exercice
du droit des usagers, par analogie avec les droits du patient dans le rapport
de la société aux malades, qui va lever l’obstacle. Bien sûr, il s’agit de
droits fondamentaux que les lois médico-sociale et hospitalière ont posé. Mais
ils cantonnent dans le même temps les malades dans leur statut de malade, et
les personnes handicapées dans leur statut d’usager d’établissement ou de
service. Ce n’est pas en poussant plus loin la logique du rapport
patient/hôpital que l’on trouvera les solutions les plus pertinentes pour mette
en place une politique d’émancipation dans le rapport personnes
handicapées/société, en sortant d’une problématique prioritaire de soin. Ce
n’est pas en améliorant la chandelle qu’on a trouvé l’électricité !
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