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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 18 septembre 2019

"crise = problème de sous"

" Crise = problème de sous"

Il y a maintenant bien longtemps, environ une vingtaine d’années, une délégation (dont je ne me souviens pas de la nature) était venue découvrir et visiter les dispositifs de scolarisation et d’accompagnement à la scolarisation des jeunes sourds en collège. Il s’agissait en l’occurrence de ce que l’on pourrait qualifier aujourd’hui d’unité d’enseignement externalisée, où les jeunes assistaient à un certain nombre de cours dans la classe de collège, accompagnés par des enseignants spécialisés auprès de jeunes sourds (titulaires du Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement des jeunes sourds, le CAPEJS).


Avec la délégation, j’assistai à une séquence de cours d’histoire et géographie, auquel participaient trois ou quatre jeunes sourds, à destination desquels l’enseignant spécialisé « traduisait » en langue des signes. L’enseignant de la classe expliquait à ses jeunes élèves que la crise d e1929 était une crise complexe, qui comportait des aspects financiers, politiques, sociaux, idéologiques, économiques, diplomatiques, etc. Quelle ne fut ma surprise quand je vis l’enseignant spécialisé traduire, en tout et pour tout : « La crise de 1929, égale problème de sous ».

Il peut apparaitre futile ou inutile de rappeler une telle anecdote, témoin d’un temps qui serait révolu : depuis la reconnaissance de la langue des signes, les professionnels ont acquis une maîtrise de la langue des signes telle qu’ils ne transmettent plus de telles réductions langagières et conceptuelles. Et pourtant, sans renouveler une telle caricature de « traduction », l’utilisation de la langue des signes dans l’éducation ou la pédagogie n’est pas sans rappeler quelques phénomènes de réduction conceptuelle et langagière.

La première situation concerne l’utilisation instrumentale de la langue des signes dans une visée de facilitation de l’accès à la langue orale. En effet, un tout jeune enfant sourd ne parvient pas toujours facilement à atteindre des résultats efficients dans l’acquisition de la langue orale (lorsque c’est celle-ci qui a fait l’objet du choix des parents). Pour tout simplement pour rentrer dans la communication et faciliter l’acquisition de la notion de communication, il est parfois ajouté des éléments de la langue des signes. Non pas pour que l’enfant sourd s’approprie une modalité langagière (et de pensée) adaptée à ses caractéristiques fonctionnelles et ses capacités, mais pour qu’il utilise cette modalité pour entrer dans l’oral. Dans ce contexte, il n’est pas exigé que les professionnels maîtrisent la langue des signes, mais seulement qu’ils maîtrisent eux-mêmes quelques éléments essentiels de la gestualité de la langue des signes (vocabulaire, questions, …). Dans ces conditions, on retrouve dans le langage adressé à l’enfant les mêmes réductions.

La seconde situation concerne le choix entre la pédagogie spécialisée pour jeunes sourds, portée par des enseignants spécialisés, et l’accessibilité aux discours des enseignants, portée par des interprètes ou des interfaces en langue des signes. Lorsqu’est privilégiée la pédagogie spécialisée, on en arrive à tronquer les messages (pas au point cependant de l’exemple ici), mais le principe reste celui d’une adaptation du discours à l’état supposé de compréhension de l’élève sourd. Combien de fois n’ai-je entendu : « Je ne peux pas traduire tel quel, ils ne comprendraient rien, il faut que j’adapte ». Au risque, inévitable, d’en arriver à des réductions d’information qui mettent les élèves sourds dans l’impossibilité d’accéder à l’information qui est proposée à l’ensemble des élèves. L’accessibilité langagière, au contraire, met les élèves à égalité avec les autres, qu’ils comprennent ou pas.

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