Mais où est donc passé le rapport de l'ONU ?
En janvier 2019 fut publié le Rapport de la Rapporteuse
spéciale sur les droits des personnes handicapées, chargée d’observer comment
le pays met en œuvre les principes et les préconisations de la convention
relatives aux droits des personnes handicapées de l’ONU. Ce rapport faisait
suite à la visite de la rapporteuse, Madame Catalina Devandas-Aguilar, en
France en octobre 2017. Le rapport était relativement sévère envers les
politiques publiques françaises relatives aux personnes handicapées.
On s’est beaucoup agité et on a beaucoup poussé des cris d’orfraie à la publication du rapport, accusant la rapporteuse de ne comprendre ni la politique, ni les réalités françaises, d’être injonctive, etc. Et depuis, plus rien ou presque. Black-out sur les suites à donner aux préconisations, pour les unes injonctives il est vrai, alors que la France a ratifié en 2010 le protocole l’engageant à mettre en œuvre les principes de la convention. Pour désagréables qu’aient été les observations du rapport, la politique de l’autruche qui consiste à l’ignorer interroge sur la réalité de l’accessibilité aux droits des personnes handicapées, sur la nature des réponses et des solutions inclusives, puisque c’est de cela qu’il s’agit dans la convention qu’il y a lieu d’appliquer et sur la sincérité à mener un projet sociétal inclusif.
Les préconisations ont été sévères. Je ne vais pas citer
toutes les préconisations (je renvoie au texte en lien), mais quelques-unes,
emblématiques et qui ont provoqué l’ire de nombreux acteurs du handicap :
modification de la loi 2005-102 du 11 février 2005, des engagements sur
l’accessibilité, la prise en compte des associations de personnes handicapées,
la fermeture des institutions médico-éducatives pour enfants et adolescents
(scolarisation), le transfert au ministère de l’éducation nationale de ce qui
concerne l’éducation (pour mémoire la scolarisation dans les instituts pour jeunes
sourds et jeunes aveugles est encore de la responsabilité du secrétariat d’Etat
pour les personnes handicapées, avec sa direction de la cohésion sociale issue
du ministère de la santé), la désinstitutionnalisation, la fermeture
progressive des établissements…
Une telle liste peut apparaitre rédhibitoire dans une
perspective de changements, et même brutale sur certains aspects. En tout cas,
le cumul des préconisations a eu pour effet de masquer les argumentations du
rapport : on a beaucoup parlé des mesures, mais on a peu évoqué les
raisons profondes qui motivaient de telles préconisations.
L’argumentaire principal du rapport tient en quelques
lignes, fondamentales : en France, « l’accent est mis sur la prise
en charge de l’incapacité, alors que les efforts devraient converger vers une
transformation de la société et du cadre de vie, de sorte que toutes les
personnes handicapées bénéficient de services accessibles et inclusifs et d’un
soutien de proximité. Ce cloisonnement ne fait qu’entretenir une fausse image
des personnes handicapées, les présentant comme des personnes à prendre en
charge plutôt que comme des sujets de droit (§74) … La France doit
réformer en profondeur son système si elle souhaite offrir des réponses et des
solutions véritablement inclusives à toutes les personnes handicapées… Le pays
devra adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme (§75).
Cette absence de débats et de discussion sur l’argumentation
est extrêmement préjudiciable pour les accompagnements des personnes
handicapées. Elle donne quitus à des approches et des pratiques qui n’ont plus
à avoir cours, désavouées par la convention internationale et radicalement
modifiées par des approches faisant référence aux droits humains, seules
garantes de l’égalité entre personnes handicapées et personnes non handicapées.
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