Un projet et des soins
Les personnes ayant des déficiences, des maladies, des
troubles, des incapacités, ont d’abord et longtemps été « traitées »
sur le plan exclusif du soin : soins au sens du cure (soigner) et du care
(prendre soin). Puis est venu le temps des réponses identifiées par rapport à
un projet, dont l’élaboration revient de plus en plus à la personne concernée.
Cette évolution s’est manifestée par la notion d’accompagnement, en
remplacement de la notion de prise en charge.
Pour autant les anciennes représentations, pratiques,
idéologies, ancrées dans la primauté du soin, ont-elles disparu ?
L’observation et l’articulation entre parcours de soin et accompagnement, entre
coordination de soin et coordination de parcours, fournit des repères d’analyse
de ces évolutions et immobilismes.
Sans atteindre ces extrémités de maltraitance, c’est ainsi
que dans certaines institutions, la coordination de soins passe avant la
coordination des parcours, cette dernière étant soumise aux impératifs de santé
déterminés unilatéralement par les expertises des savoirs médicaux ou
paramédicaux, au détriment parfois du projet (de vie, d’insertion, de
participation sociale, de scolarisation) de la personne. Le soin se dote
d’impératifs catégoriques, de prescriptions non discutables, d’orientations
légitimées d’un sceau scientifique, d’obligations quotidiennes et de vie
courante, soumettant au passage le care
au cure. Le médecin, coordinateur des
soins, impose à l’équipe pluridisciplinaire (représentée par un cadre ou un
coordinateur de parcours) la primauté de la réponse « curative » au
nom de la place absolue de l’expertise médicale, condamnant la coordination du
parcours à ces impératifs de soins, considérés comme absolus et vitaux au
regard du projet de la personne.
Même quand elles ne sont pas vitales, les prescriptions
médicales ont quand même tendance à s’imposer. Ainsi en est-il de la
prescription d’orthophonie, « obligatoire » pour un enfant sourd.
Mais cette prescription, sous le sceau pourtant de l’expertise scientifique et
médicale, est en contradiction par exemple avec le fait de considérer les
Sourds comme une minorité linguistique (voir les droits des personnes
handicapées dans la convention des Nations Unies relative aux droits des
personnes handicapées), et donc de ne pas être dans l’obligation d’avoir des
« soins » dans ce registre.
Si l’on peut convenir que les problématiques de santé sont
un aspect incontournable de la vie d’une personne (et parfois même un aspect
vital), le projet de vie ne peut se réduire à celles-là : la participation
sociale, les relations, les modes de vie sont des problématiques qui sont
également éminemment importantes. La prééminence donnée aux problématiques de
santé, parfois appuyée sur des enjeux vitaux, mais aussi parfois appuyée sur
une idéologie de la santé et des traitements, a pour conséquence de parfois
neutraliser les autres problématiques, et de faire un déni à l’autonomie.
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