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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 12 avril 2019

normes, subjectivité et travail invisible

Normes, subjectivité et travail invisible


Dans le film Les Invisibles (L-J Petit, 2018), l’on voit bien comment le travail d’accompagnement, et la qualité ainsi que l’efficacité de ce travail, ne se satisfont pas, comme le voudraient et comme le prétendent les technocrates de l’accompagnement, du care ou du travail social, à de bonnes pratiques normées à mettre en œuvre, à des cases à cocher, à des reporting d’interventions dans un dossier, à la mesure de la conformité des interventions à des attendus, à des résultats objectivables…


L’accompagnement est bien plus riche, bien plus complexe, bien plus dense, bien plus humain. Dans une recherche qu’elle a menée dans le secteur de la PJJ, Catherine Lenzi (La part émotionnelle du métier… in les Cahiers dynamiques, 2017/1) relève qu’en dehors de la lecture institutionnelle des dossiers, lors d’entretiens, les ressentis des professionnels font apparaitre et émerger des moments de réussite dans la relation avec les jeunes, éléments non inscrits dans les dossiers. Moments « clandestins et invisibles », où parfois il est fait appel à la transgression des normes établies et des bonnes pratiques institutionnalisées pour trouver l’inventivité nécessaire à la tentative de résolution d’un problème. C’est aussi ce qui se passe dans le film Les invisibles.

Dans la définition contemporaine de l’intervention sociale, du care, de l’accompagnement, la professionnalisation prend parfois des airs de technologisation. Il était certes nécessaire de professionnaliser afin de surmonter les problématiques de charité, de bienfaisance, de compassion, toutes attitudes qui réduisaient les « bénéficiaires » à une position de dépendance, d’infériorité, voire pire dans la maltraitance. Mais cette professionnalisation s’est effectuée aussi, dans une période plus récente, sous l’égide des nouvelles politiques publiques et du new management, dans le cadre d’une certaine tehnologisation, avec de règles normées, telles les bonnes pratiques professionnelles, et l’utilisation massive des nouvelles technologies. Oubliant, voire bannissant, la subjectivité (et les émotions) dans le travail et les relations entre les professionnels et les usagers. Interdisant aussi, dans ce même postulat, l’inventivité subjective nécessaire dans l’intervention, y compris l’inventivité s’appuyant sur la transgression des normes établies. Les lanceurs d’alerte sur la maltraitance dans les établissements en savent quelque chose, qui ont dû transgresser les normes instituées dans leurs établissements.

Récemment, la question des émotions est reprise dans les principes vertueux du management, en particulier celui qui se revendique bienveillant. Mais la question est instrumentalisée soit dans le versant du contrôle de ces émotions, assimilé abusivement à de la distanciation et de la rationalité professionnelles, soit dans des injonctions dévoyées (à la motivation, à l’engagement, au bonheur dans l’entreprise…)

Il est à craindre que ce que l’on demande aujourd’hui aux accompagnants (travailleurs sociaux, accompagnants, travailleurs du care) soit davantage de travailler en conformité avec des normes établies technocratiquement, selon des postulats établis par des experts, autrement dit par reproduction normative. Et moins, voire pas du tout, de travailler par tâtonnement, subjectivité, inventivité, transgression des normes.

La conséquence peut être une perte du sens du travail, une verticalisation de l’organisation et de la mise en œuvre des pratiques d’accompagnement, et in fine une détérioration de la qualité de ces accompagnements.

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