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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 23 avril 2019

lecture - Les enfants du silence

Les enfants du silence - donner une voix à ceux qui n'en ont pas
de Céline BOUSSIE (Harper Collins, 2019)


C’est un récit/témoignage de la vie dans une institution de jeunes et de jeunes adultes handicapés, sur les conditions de vie intolérables de ces jeunes, sur les conditions de travail insupportables des professionnels, sur le fonctionnement pathologique d’une institution, sur le combat sisyphéen d’une lanceuse d’alerte dénonçant ces conditions de maltraitance extrêmes de cette institution.


C’est un récit qu’on lit d’une traite, pour peu que l’on soit sensibilisé, et révolté, par rapport aux conditions que décrit et dénonce l’auteure, tant sont prenantes aussi l’émergence, la montée et la mise en action de la prise de conscience, jusqu’à la rupture, et dans la poursuite d’un combat dont la réussite n’était pas évidente.

Les conditions de vie des jeunes, telles qu’elles sont décrites par l’auteur et que des inspections ont confirmées, relèvent d’un autre âge. Et pourtant, elles sont attestées dans cette institution. Au cours de ma vie professionnelle, j’avais bien entendu qu’il se passait ce genre de choses ici ou là ; mais faute de faits avérés, je restais incrédule : ce n’était quand même pas possible ! Et bien non, ça existe, ces conditions de vie moyenâgeuses, dignes (!) d’une cour des miracles, complètement indignes et intolérables.

Ce qui se passait dans cette institution (ce n’est pas si vieux : de 2008 à 2016 pour le récit du livre) est certes sans doute exceptionnel, et rares doivent être de tels fonctionnements institutionnels. La plupart des établissements sont bien plus bientraitants, et non maltraitants comme celui-ci. Mais cela a existé il n’y a pas encore si longtemps. Et à y regarder de plus près, on trouverait encore dans les institutions d’aujourd’hui quelques réalités maltraitantes, et ceci d’autant plus que les situations de handicap sont lourdes à accompagner et que les moyens manquent souvent cruellement (le polyhandicap ou l’autisme par exemple). L’héritage de fonctionnements pathologiques et de maltraitance ne se gomment pas facilement par les mesures de la loi de 2002 ou les principes de la loi de 2005.

Tout à fait intéressant et exemplaire également le récit d’une entrée en fonction professionnelle et en formation d’une jeune femme, pleine de bonne volonté, qui veut apprendre, et qui se heurte dans son activité professionnelle à des pratiques qui heurtent ses valeurs, à des habitudes institutionnelles auxquelles elle ne peut adhérer (comment frapper sans laisser de traces !). Comment travailler avec des collègues adhérant, inconsciemment, consciemment ou par intérêt, au statuquo, stigmatisant  toute pratique sortant des habitudes, faisant de tout professionnel posant des questions, et inévitablement critique, un bouc émissaire tout désigné et à condamner.

Remarquable est aussi la description du « management » de l’institution, qui rappelle lui aussi des pratiques d’un autre âge, cumulant l’appropriation d’avantages matériels, un fonctionnement charismatique familial, une hiérarchie autoritaire et utilisant l’intimidation, la répression et la terreur, l’absence de respect professionnel et même humain envers les jeunes autant qu’envers les salariés.

La direction de cet établissement est certes caricaturale. Mais encore une fois, ce type de fonctionnement a existé. Et à y regarder de plus près, il en demeure des miettes dans les fonctionnement de bien des institutions, derrière la façade plus reluisantes d’un management modernes et de la conformité à des normes de bonnes pratiques. La course à l’activité, la verticalisation de la mise en application des normes, le temps passé à des reporting au détriment de l’accompagnement direct, le resserrement des ressources humaines, etc. peuvent être des facteurs de maltraitance des usagers et d’un management paradoxal qui prétend pratique l’écoute quand il ne fait que formuler des injonctions.

Et bien sûr, dernier aspect qui tient en haleine la lecture, c’est le récit du combat, progressif et de plus en plus déterminé, d’une lanceuse d’alerte, d’autant plus remarquable qu’il s’est effectué dans une adversité démesurée. Au sein de l’institution, bien évidemment, avec comme valeur le bien être des jeunes et comme adversaires une direction fermée et autoritaire, malveillante, et certains professionnels qui ont tout fait pour nier la situation, pour réprimer la professionnelle, pour la détruire même professionnellement et personnellement.

Mais avec aussi comme adversaires l’administration qui se contente de faire des rapports, parfois de dénonciation, mais sans rien mettre en place par la suite, et des politiques qui la plupart se contentent de ne rien faire. Mais le livre raconte aussi les soutiens, jusqu’à la reconnaissance de la situation par la justice, et la validité du combat de l’auteure.

Vraiment un livre à lire, qui énonce à travers une expérience vécue, des « vérités » valables pour un passé encore présent, et, même à un moindre degré, sur ce qui se passe les institutions d’aujourd’hui.

Extrait de la présentation : « En 2015, Céline Boussié dénonce dans la presse des actes de maltraitance envers les enfants, adolescents et jeunes adultes polyhandicapés pensionnaires de l’institut médico-éducatif où elle travaillait en tant qu’aide médico-psychologique. Décidée à aller jusqu’au bout, elle évoque le manque d’intimité, les traitements médicamenteux inappropriés, les lits trop petits.
Poursuivie en diffamation par son ex-employeur, elle est relaxée en novembre 2017 par le tribunal de Toulouse – une première en France pour les lanceurs d’alerte.
Ce témoignage poignant retrace son parcours, son combat d’intérêt général afin de faire éclater la vérité et sa détermination à œuvrer à une réelle prise de conscience pour que les pratiques professionnelles et institutionnelles évoluent et que les personnes les plus vulnérables soient traitées avec dignité et bienveillance. »

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