Le handicap n'est pas mort
Ces dernières périodes ont vu des évolutions significatives
dans la définition des concepts relatifs aux contenus qui sont liés à la notion
de handicap : distinctions handicap/déficience, incapacités/déficiences,
handicap/situation de handicap, approche par les droits humains… Dans cet ordre
des choses, on pouvait penser, à l’appui en particulier de la classification
internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIH) ou encore
plus du modèle de développement humain – processus de production du handicap
(MDH-PPH), qu’il n’était plus permis de confondre, ni en pensée, ni en action,
ni en intervention, un handicap avec une situation vécue par une personne en
« situation de vie ».
Malgré ces avancées conceptuelles, les assimilations entre
déficience et handicap demeurent profondément ancrées. Sinon comment expliquer
qu’un ouvrage qu’on pourrait qualifier dans le domaine de la
« vulgarisation savante » sur le handicap, puisse encore avancer des
définitions, des concepts, des représentations, des préconisations, des modes
de pensée, antérieurs aux définitions actées par la recherche, les organismes
internationaux et les personnes handicapées elles-mêmes. L’ouvrage de Pierre
Rabischong, Le handicap (Que sais-je ?, 1ière édition 2008, 3ième
édition 2015), éminent spécialiste du handicap, puisse tomber dans ce
piège ? Pourtant l’auteur connait très bien les débats conceptuels qui ont
eu lieu depuis 50 ans : il décrit de manière remarquable d’ailleurs
l’histoire de la naissance du concept de handicap et les débats sur les
classifications.
« La notion de
handicap, nous dit l’auteur, qui a
évolué avec le temps, a besoin d’être définie avec ses trois volets :
déficience, incapacité et handicap. » Mais cette définition est
précisément, dans ses termes mêmes, celle qui a été produite au début des
années 1980 par le Dr Ph. Wood, et qui a formé la trame de la Classification
internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages
(CIH). Or cette approche a été vivement critiquée dès le départ et a donné lieu
soit à des révisions (CIF), soit à des modèles alternatifs (MDH-PPH). L’ouvrage
de Rabischong, tout en n’ignorant pas l’existence de ces évolutions, n’en tient
pas compte.
De même, les mots-clés qu’il retient de l’ensemble de ces
évolutions sont : « la
déficience ; la capacité fonctionnelle ; l’environnement
psycho-social, qui amplifiera ou réduira les conséquences de l’atteinte
pathologique ; la compensation. » Nulle part, il n’est question
d’accessibilité, d’obstacles environnementaux, ou d’intervention sur
l’environnement, etc.
Que le handicap (« handicapé ») doive désigner un
statut administratif de catégorisation de certaines populations ne doit pas
être prétexte à assimiler un statut (une carte d’identité) à une identité et à
des situations vécues par des personnes dans des environnements qui sont
susceptibles de réduire ou accentuer les situations de handicap. Et pourtant la
notion de handicap, en tant que définition de la situation d’une personne,
n’est pas morte. « Probablement aurons-nous
aussi à abandonner, dans un avenir plus ou moins proche, le terme handicap, qui
fait certainement partie des concepts émoussés, sinon épuisés, qui continuent à
vivre, en entretenant des confusions, ou une stigmatisation et en légitimant
des exclusions. Mais faudra-t-il le remplacer ? » (Charles
Gardou, L’inclusion parlons-en, 2012, p.83)
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