Besoins, évaluation et évaluationnite
Bien souvent, les réponses apportées aux usagers du secteur
médico-social tiennent davantage à l’existence des réponses en tant que
ressources professionnelles et institutionnelles que de l’analyse
« objective » (l’objectivité ne pouvant être absolue) des besoins des
personnes. La présence d’un musico-thérapeute ou d’un artiste dans un Institut
spécialisé pour enfants ayant une déficience intellectuelle
« produit » un besoin d’expression musicale ou artistique pour ces
enfants. La présence d’enseignants spécialisés dans un institut spécialisé pour
jeunes sourds « produit » un besoin de pédagogie spécialisée pour les
jeunes sourds, alors que là où ces enseignants n’existent pas, la réponse aux
besoins fait appel à des interfaces ou des interprètes en langue des signes. La
multiplicité et la diversité des réponses professionnelles crée la multiplicité
et la diversité des besoins.
De nombreux outils ont été mis en place à différents niveaux
d’action auprès des personnes en situation de handicap : CIF, MAHVIE,
GEVA, GEVASco, SERAFIN-PH, pour n’en nommer que quelques-uns. Une fois
appropriés, ces outils d’évaluation sont susceptibles effectivement de
permettre l’ajustement des prestations (réponses) aux besoins des personnes, et
ainsi se présenter comme des évaluations « justes ».
Mais ces modalités d’évaluation courent un risque, celui de
« l’évaluationnite ». A vouloir tout balayer des
déficiences/incapacités/désavantages/environnements/habitudes de vie, et ceci
dans tous les aspects de la vie d’une personne étiquetée par sa nomenclature
(son statut de handicapé), le risque est de ne voir la personne qu’au travers
des performances qu’elle réaliser ou qu’elle ne réalise pas dans les
différentes rubriques de sa nomenclature. Et les missions des professionnels du
secteur étant d’améliorer les aspects déficitaires ou en écart à la norme, le
risque est de ne voir la personne en situation de handicap qu’à travers ses
manques, généralisés à l’ensemble de ses habitudes de vie.
On a dit parfois des psychologues qu’ils ne voient le monde
qu’à travers les pathologies qu’ils rencontrent. Le risque ici est de ne voir
les personnes en situation de handicap qu’à travers la « face noire »
de leurs incapacités mises en évidence dans les évaluations. Et de revenir
finalement au point de départ de réponses déterminées par les professionnels et
non par les besoins.
Le danger est particulièrement présent lorsque l’évaluation
ne se contente pas de déterminer les besoins d’une personne, à partir de la
manière dont celle-ci évalue elle-même la réalisation de ses habitudes de vie,
afin de déterminer les aides, accompagnements et aménagements nécessaires à une
meilleure réalisation de sa participation sociale. Il est particulièrement
présent lorsque cette évaluation met en regard ces besoins et les réponses
souhaitées avec les ressources disponibles. Celles-ci risquent de faire
basculer l’évaluation du côté d’une évaluation technocratique qui fonctionne en
boucle.
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