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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 20 mars 2019

"t'iras à la table des handicapés"

"T'iras à la table des handicapés !"


Plus précisément : « Si t’arrêtes pas tes bêtises, t’iras manger à la table des handicapés ! ». Tel est le propos qui fut tenu par une agente de service de restauration en école maternelle, et qui me fut rapporté par une éducatrice outrée, il y a de cela quelques années. Dans cette école maternelle, il existait ce que l’on nomme aujourd’hui une unité d’enseignement externalisée, accueillant quelques enfants sourds, de la petite section à la grande section. Ces jeunes sourds étaient régulièrement inclus dans leurs classes d’appartenance, accompagnés de leurs enseignants spécialisés ou d’interfaces en langue des signes. Sur le temps de restauration scolaire, ils étaient regroupés à une table, où s’installait également leur éducatrice spécialisée.

Evidemment, un tel propos est intolérable. Il témoigne d’une stigmatisation extrêmement négative envers quelques jeunes enfants présentant une déficience auditive. Il témoigne d’une certaine forme de racisme par lequel un enfant qui déroge à certaines normes comportementales est menacé d’être déchu de son appartenance à l’ensemble des élèves et d’aller rejoindre une appartenance honnie. Intolérable aussi en ce qu’il fait entendre au collectif d’élèves ce rejet social. Il témoigne également de la persistance de représentations anciennes et extrêmement négatives vis-à-vis des personnes (élèves) en situation de handicap, bien ancrées sous les discours et les dispositifs à visée inclusifs.

Mais jeter la pierre à l’auteure du propos ne suffit pas. Car les contextes environnementaux dans lesquels s’inscrivit ce propos est aussi en mesure de laisser libre cours à ce type d’attitude.

On peut remarquer tout d’abord que ces jeunes élèves sourds sont regroupés à une table, ce qui les désigne spatialement (et socialement) comme groupe spécifique, et ceci d’autant plus que, contrairement aux autres élèves qui s’installent aux tables par classes, ceux-ci sont regroupés des plus petits aux plus grands, en tant que groupe « spécial ». L’on pourra objecter que, en raison de leur communication, les jeunes sourds ont un intérêt à se regrouper pour pouvoir échanger, et c’est exact. Mais comme cette disposition est aussi en place pour des enfants qui présentent d’autres types de situations de handicap, on peut penser qu’il s’agit d’un dispositif de regroupement habituel et peut-être impensé.

La présence d’une éducatrice, seule professionnelle à déjeuner à table avec des enfants, ne manque pas non plus d’interroger sur la place de ces jeunes sourds dans l’école, et sur les représentations conséquentes des autres élèves et des personnels de restauration, comme si contrairement aux autres, ils ne pouvaient manger seuls.

Si ces dispositifs fonctionnent ainsi, c’est aussi parce que, à un plus haut niveau, les différentes institutions régulent la présence d’enfants en situation de handicap selon des normes et des valeurs favorisant la stigmatisation. Dans la situation évoquée dans ce texte, l’administration de l’éducation nationale comme les services techniques de la municipalité avaient refusé, depuis de nombreuses années, l’inscription pleine et entière de ces enfants à l’école (sous le prétexte de l’impossibilité d’une mythique double inscription). Les services péri-scolaires et les professionnels de l’établissement spécialisé estimaient nécessaire et même obligatoire la présence permanente de professionnels spécialisés dans tous les actes de la vie de ces élèves.

Dans un tel contexte à visée inclusive mais à fonctionnement ségrégatif, il n’est pas étonnant, même si c’est intolérable, de rencontrer de tels propos de ségrégation.

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