L'enseignement : spécialisé ou différencié ?
L’une des justifications de l’enseignement spécialisé (et
des établissements spécialisés) fait référence à l’inadaptation de l’école à
des profils spécifiques, dont les caractéristiques sont identifiées et réunies
par catégories de déficiences. Dans l’hypothèse d’une école radicalement
inadaptée (faisant fi des évolutions significatives qu’elle a instaurées), il
est considéré comme nécessaire de mettre en place des dispositifs spécialisés
qui prennent en compte les caractéristiques individuelles des élèves. Lorsque
ces caractéristiques sont les troubles et les déficiences, ce sont en
définitive ceux-ci qui sont considérés comme la cause de l’inadaptation de
l’école, en ce que celle-ci serait en quelque sorte étrangère à ces situations.
On a là un contre argument à l’inclusion : si l’école n’est pas adaptée,
c’est en raison de l’inadaptation de certains élèves.
Mais c’est ce processus de production qui permet de
qualifier de troubles, et non de difficultés, des comportements qui vont ainsi
ne pas trouver leur place dans l’école. C’est ce processus qui va légitimer une
intervention spécialisée et non différenciée, dans la mesure où une frontière
diagnostique sépare ce qui est trouble de ce qui est difficulté, cette dernière
ayant tendance à disparaitre de plus en plus dans les frontières du premier.
Toutes les difficultés liées aux apprentissages par exemple ont été de plus en
plus qualifiées dans les frontières des « dys », condition par
ailleurs d’une véritable prise en charge.
Mais la question pourrait se poser tout autrement, pour peu
que l’on interroge le fonctionnement de l’école par rapport aux élèves qui ont
le plus de difficultés à effectuer les apprentissages dans les mêmes modalités
que la majorité des élèves. Penser l’enseignement non pas comme un aménagement
ciblé sur quelques-uns (avec des moyens spécifiques ou un AESH), mais comme une
organisation pédagogique des apprentissages de telle façon que tous les enfants
puissent y accéder par des moyens adaptés. Il s’agit en définitive de prendre
acte que dans une classe il y a autant de différences que d’élèves, et que
l’organisation scolaire et pédagogique doit prendre en compte la diversité des
manières d’apprendre. C’est ce qui pourrait définir la notion d’école
inclusive, en rupture avec la notion d’intégration scolaire.
Dès lors, « enseigner
en milieu ordinaire à des enfants extraordinaires requiert peut-être des
formations, mais ces dernières devraient avant tout mettre en évidence la
nécessité d’une adaptation de l’enseignement passant par l’exercice d’une
pédagogie universelle » (G Demazure et V Huys, Enseignement et
handicap, PUG, 2018). L’enseignement spécialisé devrait peut être être envisagé
comme l’enseignement pour tous.
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