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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 25 février 2019

l'enseignement : spécialisé ou différencié ?

L'enseignement : spécialisé ou différencié ?


L’une des justifications de l’enseignement spécialisé (et des établissements spécialisés) fait référence à l’inadaptation de l’école à des profils spécifiques, dont les caractéristiques sont identifiées et réunies par catégories de déficiences. Dans l’hypothèse d’une école radicalement inadaptée (faisant fi des évolutions significatives qu’elle a instaurées), il est considéré comme nécessaire de mettre en place des dispositifs spécialisés qui prennent en compte les caractéristiques individuelles des élèves. Lorsque ces caractéristiques sont les troubles et les déficiences, ce sont en définitive ceux-ci qui sont considérés comme la cause de l’inadaptation de l’école, en ce que celle-ci serait en quelque sorte étrangère à ces situations. On a là un contre argument à l’inclusion : si l’école n’est pas adaptée, c’est en raison de l’inadaptation de certains élèves.

A défaut d’adaptation de l’école, il faut trouver des critères pour déterminer ceux qui ne seraient pas adaptés à l’école. Les « troubles du comportement » sont typiques de cette problématique : ils regroupent un ensemble de comportements quelque peu perturbateurs de l’ordre scolaire, comme la désobéissance, les provocations, de l’agressivité physique ou verbale, ou mêmes des mensonges massifs, comportements que par ailleurs peuvent s’attribuer nombre de jeunes adolescents qu’on ne déclare pas pour autant « perturbés ». Certes il faut un diagnostic pour qualifier un « trouble du comportement », mais il faudrait aussi un diagnostic pour déterminer en quoi l’ordre scolaire, et son fonctionnement qui n’est pas toujours tolérant envers ceux qui ne font pas les apprentissages dans les normes, participent de la production des troubles observés. Pour ne pas faire d’enfants perturbateurs simplement des enfants perturbés.

Mais c’est ce processus de production qui permet de qualifier de troubles, et non de difficultés, des comportements qui vont ainsi ne pas trouver leur place dans l’école. C’est ce processus qui va légitimer une intervention spécialisée et non différenciée, dans la mesure où une frontière diagnostique sépare ce qui est trouble de ce qui est difficulté, cette dernière ayant tendance à disparaitre de plus en plus dans les frontières du premier. Toutes les difficultés liées aux apprentissages par exemple ont été de plus en plus qualifiées dans les frontières des « dys », condition par ailleurs d’une véritable prise en charge.

Mais la question pourrait se poser tout autrement, pour peu que l’on interroge le fonctionnement de l’école par rapport aux élèves qui ont le plus de difficultés à effectuer les apprentissages dans les mêmes modalités que la majorité des élèves. Penser l’enseignement non pas comme un aménagement ciblé sur quelques-uns (avec des moyens spécifiques ou un AESH), mais comme une organisation pédagogique des apprentissages de telle façon que tous les enfants puissent y accéder par des moyens adaptés. Il s’agit en définitive de prendre acte que dans une classe il y a autant de différences que d’élèves, et que l’organisation scolaire et pédagogique doit prendre en compte la diversité des manières d’apprendre. C’est ce qui pourrait définir la notion d’école inclusive, en rupture avec la notion d’intégration scolaire.

Dès lors, « enseigner en milieu ordinaire à des enfants extraordinaires requiert peut-être des formations, mais ces dernières devraient avant tout mettre en évidence la nécessité d’une adaptation de l’enseignement passant par l’exercice d’une pédagogie universelle » (G Demazure et V Huys, Enseignement et handicap, PUG, 2018). L’enseignement spécialisé devrait peut être être envisagé comme l’enseignement pour tous.

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