Un rêve : avoir de bons élèves
En fréquentant les salles des profs et les conseils de
classe en collège, on perçoit combien le souhait d’avoir dans ses classes de
bons élèves, et même de n’avoir que des bons élèves, tient du rêve éveillé,
tout en n’étant pas dupe, face aux réalités de l’hétérogénéité mêlant
« bons et mauvais » élèves. Il est arrivé plusieurs fois que lors
d’un conseil de classe, à l’examen du bulletin scolaire de tel·le bon·ne élève,
j’entende un professeur tenir des propos de cette nature :
« Ah ! s’il n’y avait que des élèves comme elle ! », elle
étant, par exemple, une collégienne ayant de bonnes notes (entre 15 et 20
généralement, même en Education physique et sportive !), participante en
classe, gentille avec les autres et appréciée d’eux, parfois déléguée de
classe, ou dont le parent élu peut aussi être présent.
Lorsque le rêve de n’avoir que de bons élèves se traduit pas
un enseignement destiné aux meilleurs de la classe et délaissant ceux qui
auraient des difficultés (sous un argument type : « ils n’ont rien à
faire dans ma classe »), la situation est problématique. Les moins bons
élèves, ceux qui ont des difficultés à apprendre et à s’approprier ce socle
commun, ceux qui sont en échec scolaire, ceux qui mettent plus de temps, et
parmi tous ceux-là ceux qui sont dans cette situation en raison d’un handicap,
tous ceux-là, et ils sont nombreux, se retrouvent proprement exclus de
possibilités éducatives, de l’accès à une éducation qui tienne compte de ce
qu’ils sont. Ils risquent tous de pâtir gravement d’une posture professorale
qui met en exergue un idéal type de bon·ne élève.
Malgré des évolutions sur l’appropriation de nouvelles
normes professionnelles (le collège accueille de plus en plus tous les élèves),
le rêve se perpétue. La persistance du rêve tient sans doute à de nombreuses
raisons, qui ont été identifiées par les sociologies de l’école, et dont je ne
parlerai pas ici. Mais sur le terrain, on trouve encore un nombre significatif
d’enseignants qui, sans adhérer de manière absolue à ce rêve et à la posture
professionnelle qui s’y conformerait, ont des difficultés, et parfois d’énormes
difficultés, à traiter la situation de ces nombreux élèves qui ne répondent pas
à leur idéal, même aménagé, d’élève.
Les obstacles à l’école inclusive pour les élèves en
situation de handicap tiennent en partie certainement à ces postures, et à ces
représentations professionnelles ayant trait non seulement au rapport aux
personnes en situation de handicap mais aussi ayant trait aux conceptions du
métier d’enseignant. C’est pour cette raison qu’il est insuffisant d’informer
ou de former les enseignants aux différentes formes de handicap sans les former
parallèlement à la manière de prendre en compte l’hétérogénéité des élèves,
quelles que soient les raisons de cette hétérogénéité.
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