Pathologie et situation de handicap
Si tout le monde peut aujourd’hui convenir que situation de
handicap et situation pathologique ne sont pas synonymes, la distinction n’est
pas toujours évidente dans nos réactions et représentations quotidiennes.
Lorsqu’on pense par exemple que le fait de soigner la pathologie est une
manière (et parfois la seule) de « soigner » la situation de
handicap, on identifie d’une certaine façon (situation de) pathologie) et
(situation de) handicap.
La pathologie est définie aujourd’hui, par abus de langage (la pathologie est une spécialité médicale), comme un synonyme de maladie, de dysfonctionnement. Relativement à la notion de handicap, il s’agit de déficience, qui correspond « au degré d’atteinte anatomique, histologique ou physiologique d’un système organique » (définition de la classification internationale du Processus de Production du Handicap).
Mais qu’est-ce qu’une pathologie ? C’est l’objet de
toute la réflexion du philosophe Georges Canguilhem (Le normal et la
pathologique, 1966). Il définit ainsi de « normales » les constantes
humaines en tant qu’elles désignent les caractères moyens et les plus fréquents
des cas observables, au sens statistique. Et il définit les écarts avec de telles
normes par le terme anomalie, comme le fait d’une variation individuelle. Mais
dit-il, « diversité n’est pas
maladie. L’anomal n’est pas le pathologique ». Et ajoute-t-il, « dès que l’étiologie et la pathologie d’une
anomalie sont connues, l’anomal devient pathologique… Quand l’anomalie est
interprétée quant à ses effets, relativement à l’activité de l’individu, et
donc à la représentation qu’il se fait de sa valeur et de la destinée,
l’anomalie est infirmité ».
Autrement dit, ce qui nous apparait comme une pathologie
absolue est une autre manière d’avoir une expérience du monde et un rapport à
celui-ci. « Il n’y a pas de
frontière absolue entre les deux notions : le pathologique n’est pas
essentiellement différent, encore moins opposé au concept de normal. Il fait
simplement référence à d’autres normes de vie. » A. Chabert
(Transformer le handicap, 2017)
Qu’est-ce qu’une situation de handicap ? « Une situation de handicap correspond à la
réduction de réalisation ou à l’incapacité à réaliser des habitudes de vie,
résultant de l’interaction entre les facteurs personnels (les déficiences, les
incapacités et les autres caractéristiques personnelles) et les facteurs
environnementaux (les facilitateurs et les obstacles » (Classification
internationale du Processus de production du handicap).
Si l’on met en regard la notion de situation pathologique
(telle que la conçoit G.Canguilhem) et la notion de situation de handicap,
l’individu en situation de handicap, écrit A. Chabert « ne serait donc pas nécessairement dans une
situation pathologique : il serait plutôt le détenteur d’une autre
normalité qui n’est pas nécessairement une norme restreinte mais bien davantage
une normalité différente, si l’on compare les performances qu’elle implique
dans la vie ordinaire d’un milieu donné avec la normalité sociale ou
statistique de ce même milieu. »
Il est par conséquent très important de ne pas faire de
confusion entre les résultats du soin d’une pathologie et les résultats du
« traitement » d’une situation de handicap : il ne s’agit ni des
mêmes objectifs, ni des mêmes interventions, ni des mêmes représentations.
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