Des élèves en surnombre
Dans un collège, soient deux classes de 3ième, de
25 élèves chacun. Dans l’une de ces classes, sont scolarisés 5 élèves sourds.
Ceux-ci sont accompagnés en accessibilité de langue des signes pour la
quasi-totalité de leurs cours par des interfaces ou des enseignants
spécialisés. Un jour il est organisé une sortie au cinéma pour les deux
classes, pour voir un film sous-titré. Entre plusieurs films, le choix du film
sous-titré avait été fait pour être accessible aux jeunes élèves sourds.
Un déplacement en car fut organisé pour se rendre à la salle
de cinéma. Le car avait 45 places. Que croyez-vous qu’il arrivât ? Un
courriel m’informe : « Le
problème est que ces 5 élèves sont en surnombre par rapport à l’effectif prévu
pour le transport en car. »
Pourquoi ceux-là, et pas par exemple les 5 plus petits, ou
les 5 plus grands, ou les 5 plus blonds ? Cette remarque ne relevait
d’aucune méchanceté ou mauvaise intention (dans d’autres situations et d’autres
établissements scolaires, la volonté de discrimination était beaucoup plus
manifeste). Au contraire même d’une certaine bonne intention : leur
permettre quand même d’y aller, alors qu’ils n’avaient pas pu aller à d’autres
séances pour des raisons d’absence de sous-titrage.
Mais le problème est un problème éthique et culturel. Ces
élèves, scolarisés « normalement » dans une classe de collège, sont
quand même « anormalement » des élèves, pour plusieurs raisons. Leur
accompagnement (présence permanente d’aide humaine) contribue à leur donner à
statut particulier (ce sont les seuls élèves qui ont un rapport indirect et
médiatisé avec leurs enseingants), davantage même que leur caractéristique
physique de déficience. Les professionnels de l’éducation nationale n’ont eu à
accueillir des tels élèves dans leurs classes que récemment au regard des
habitudes professionnelles, et ces élèves n’ont pas encore acquis totalement la
légitimité d’être dans leur classe.
Ce sont des élèves certes, mais des élèves spéciaux, dans la
classe mais quand même un peu sur le seuil. Et « naturellement »,
dans ce genre de situation, c’est plutôt à eux qu’on pense qu’aux plus
blonds ! Il s’agit d’une discrimination complètement involontaire, mais
d’une discrimination quand même.
PS : finalement, ils sont quand même allés à la séance,
et en car. Il a suffi que j’intervienne pour faire ces remarques pour que le
professionnel du collège se rende compte que le choix éthique qu’il avait fait
posait problème. Cheminer vers une école inclusive n’est pas toujours affaire
de moyens, mais parfois de posture éthique.
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