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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 12 septembre 2016

"Ils ont besoin de manipuler"

"Ils ont besoin de manipuler ..."

L’un des arguments les plus utilisés pour légitimer dans la pratique l’enseignement spécialisé auprès des élèves en situation de handicap, tous handicaps confondus, est cette assertion : « Pour faire des apprentissages, les élèves handicapés ont besoin de procéder avec  des manipulations. » L’implicite de cette assertion est double : d’une part que ces élèves n’ont pas les capacités de procéder directement par « abstraction », comme le feraient les enfants ordinaires, non handicapés ; d’autre part que cette particularité justifie d’une certaine manière leur mise à part, dans l’objectif quand même d’une certaine réussite, avec des experts spécialisés.


Mais il s’agit là d’une idée préconçue, d’une représentation qui se reproduit, mais qui n’a aucune assise théorique ou pragmatique. Certes l’expérience pratique des enseignants est là pour « démontrer » qu’avec des manipulations (par exemple en mathématiques), des enfants handicapés ont pu avoir accès à différentes notions. Mais rien n’indique dans cette argumentation que la manipulation, présentée ici comme nécessaire aux enfants handicapés, soit contre-indiquée aux enfants non handicapés. Et on peut même supposer que la procédure de manipulation faciliterait l’accès à l’abstraction pour (presque) tous les enfants. En témoigne d’ailleurs la pléthore de supports de manipulation qu’on trouve dans le commerce pour faciliter les apprentissages, dont certains d’ailleurs sont issus de la pédagogie « spécialisée » (le matériel Montessori par exemple).

En arrière plan de ces certitudes, il y a l’idée, ancrée dans l’inconscient le plus souvent, que les élèves en situation de handicap n’ont pas les capacités cognitives que possèdent les enfants non handicapés.
L’exemple des sourds est à ce titre édifiant. Car cette idée de l’inaccès à l’abstraction est une vieille représentation de l’infériorité intellectuelle (et par là humaine dans la philosophie rationaliste) des sourds. Leur langue, une langue visuelle et manuelle, a longtemps été considérée comme incapable de nommer des choses abstraites. Et par extension, les sourds ont été considérés comme ne pouvant pas accéder à des niveaux d’abstraction élevés. C’est là l’une des justifications de l’enseignement spécialisé, qui perdure alors même que ces vieilles représentations ont été, en théorie, jetées aux oubliettes. Les pratiques restent toutefois ancrées sur de vieilles théories !

Et on peut aussi se poser la question du niveau des objectifs atteints lorsqu’on affirme ainsi de manière absolue le procédé de la manipulation comme source principale ou exclusive des apprentissages pour une population donnée, tel qu’on le propose justement dans l’enseignement spécialisé. D’une part, le temps nécessaire à l’organisation des manipulations, afin d’asseoir et de fixer des connaissances abstraites selon un modèle cumulatif d’acquisition n’aboutit, et là l’expérience l’atteste, qu’à des connaissances de bas niveau (ce qui confirme d’ailleurs en retour le jugement de leur incapacité !) ; d’autre part, les apprentissages plus complexes qui exigent des plus grand niveaux d’abstraction sont par « évidence » considérés comme inatteignables.

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