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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 16 octobre 2023

de quoi les classes de niveau sont-elles le nom?

De quoi les classes de niveau sont-elles le nom ?

Et voilà que l’on reparle des classes de niveau, au collège et même à l’école élémentaire ! 50 ans après la réforme du collège unique (réforme Haby en 1975), qui avait en principe unifié le système et banni les classes de niveau, mais laissé, par le jeu des options et des cartes scolaires, se pérenniser les niveaux dans les classes, sans compter la relégation dans les SEGPA ; dans une Europe dont la grande majorité des pays a fait le choix de l’hétérogénéité des classes, avec des réussites appréciables. Outre le côté régressif (réactionnaire) d’une telle perspective, dans laquelle se précipitent nombre de politiques, de gloires médiatiques, et certaines organisations enseignantes, il est opportun de s’interroger sur ce que cela signifie relativement à « l’inclusion » des élèves en situation de handicap dans une telle reconfiguration du système éducatif.

De nombreuses recherches et expériences ont mis en évidence les effets des classes de niveaux, telles qu’elles ont existé, telles qu’elles existent encore par détournement de la réglementation ou par opportunité : une stigmatisation des élèves des niveaux les plus faibles (au sein d’un même établissement ou par comparaison avec d’autres établissements), une accentuation des inégalités d’apprentissage et de réussites dans les compétences, de moindres attentes de la part des enseignants pour les plus « faibles », une moins grande motivation à apprendre pour ceux-ci, etc. Les classes de niveau sont l’institution du tri des élèves, de leur discrimination, la mise en place d’une ségrégation et la fin de l’égalité des chances. Le vivre en commun, le « vivre ensemble », la cohésion de la république disparaissent au profit de la ghettoïsation de catégories : les « bons » avec les « bons », de préférence avec de « bons » enseignants, les « nuls » avec les « nuls ». Les classes de niveau sont l’outil de la ségrégation de classe, où l’égalité est au mieux pensée à travers l’obligation d’un uniforme vestimentaire !

L’argumentation hypocrite d’adaptation aux besoins des uns et des autres n’est là que pour justifier un concept élitiste du système scolaire, loin du tronc commun réunissant tous les élèves sur des compétences communes et faisant société (ou nation). Les plus « faibles », ceux qui mettent du temps à apprendre, qui n’ont pas les codes exigés, qui ne sont pas dans les normes, sont condamnés à ne satisfaire que les besoins réduits auxquels ils peuvent trouver réponse et à ce qu’ils sont capables d’apprendre, tandis qu’il faut « nourrir » les plus « forts » d’apprentissages de haut niveau, qui les mèneront vers de longues études et des fonctions supérieures. Et la réussite dans les apprentissages scolaires est fortement corrélée aux conditions de classe : faut-il ici citer l’ouvrage de P Bourdieu, La reproduction, ou encore l’ouvre dirigé par B Lahire, Enfances de classe ? Le tri de niveaux entre élèves, et leur regroupement selon ce critère, se font inévitablement selon des critères de classe, alimentant ainsi la reproduction de classe, loin de l’égalité des chances et des droits.

Et les enfants en situation de handicap là-dedans ? Eu égard à leur besoins, à leurs performances, aux modalités de leurs acquisitions, ils seront vraisemblablement affectés aux classes dont le niveau serait faible, les exigences à réduire, les programmes allégés et l’avenir limité. Quand ne seraient pas justifiée et légitimée leur exclusion de l’école vers des structures spécialisées, qui répondraient soi-disant encore mieux à leurs besoins de «faible niveau » (« ils sont quand même mieux entre eux » !). Les classes de niveau auraient à tout coup pour effet de remettre en question le lent cheminement de l’école vers un fonctionnement inclusif. On ne peut être inclusif sur la base du tri des élèves, de leur ségrégation dans des classe selon leur niveau, et en définitive sur leur discrimination.

Gageons que, en dépit de ces orientations de ségrégation, de discrimination ou d’exclusion, le discours gouvernemental sur l’inclusion ou l’école inclusive n’en sera que plus fort et plus insistant, témoignage d’une incommensurable duperie.

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