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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

jeudi 27 octobre 2022

y a-t-il de "bons" handicapés ?

Y a-t-il de "bons" handicapés ?

Aujourd’hui comme hier, dans toute société, il y a ceux qui sont valorisés et ceux qui ne méritent pas la considération de leurs pairs, surtout si ceux-ci ont une parcelle de pouvoir. C’est ainsi qu’autrefois il y avait des « bons » pauvres et de « mauvais » pauvres. Les « bons » pauvres, qui n’étaient pas en mesure de travailler, acceptaient l’aumône avec humilité, et faisaient ce qu’ils pouvaient, dans le plus grand respect de l’ordre en vigueur. Les « mauvais » pauvres étaient ceux qui profitaient de la situation en mendiant, en faisant des larcins, en refusant les conditions misérables de travail, etc. Les premiers étaient vertueux, les seconds étaient pourchassés et punis. Les catégories et les critères ont évolué, mais il y a toujours de « bons » pauvres et de « mauvais » pauvres. Et en particulier, la discrimination se voit aujourd’hui relativement à l’emploi et au travail : il y a de « bons » chercheurs d’emploi et de « mauvais » chômeurs.

Sur le registre de « bons pauvres » ou de « bons chômeurs », ceux qui s’activent pour ne plus être pauvres, ne plus être chômeurs. Et s’ils restent pauvres ou chômeurs, c’est de leur responsabilité, c’est qu’il n’en ont pas fait assez, qu’ils sont restés « dans leur zone de confort ». Qu’ils méritent par conséquent leur sort, ou d’être punis pour être de mauvais pauvres ou chômeurs, des assistés qui coûtent un « pognon dingue ». De la même manière, le « bon » handicapé sera en définitive celui qui se conforme ou adhère, qu’il le veuille ou qu’il le puisse, aux valeurs dominantes de la société dans laquelle il vit, valeurs définies comme normales et à respecter. Dans cette configuration, nombreux vont être les « mauvais » handicapés.

Ceux qui ne peuvent obtenir un emploi, comme les chômeurs non handicapés, basculent dans la catégorie honnie des assistés, des paresseux, des assistés, d’autant qu’ils bénéficient de l’AAH. Sans prendre en considération que le taux d’emploi des personnes en situation de handicap est beaucoup plus faible que celui des autres, et que l’emploi se faisant rare, les entreprises privilégient les plus rentables et exploitables. L’emploi, qui a évolué sur des dispositifs extrêmement contraignants (générant stress et souffrance), exigeant des dispositions personnelles importantes, devient un domaine partiellement inaccessible pour les personnes en situation de handicap, qui en deviennent de « mauvais » handicapés.

Ceux qui, face à l’insécurité du monde contemporain (au travail, mais aussi dans les relations et les valeurs dominantes) dans lequel l’individualisme concurrentiel et excluant est de mise, demandent un certain niveau de protection, une politique sociale qui ne soit pas simplement individuelle, mais qui se soucie du commun et du vivre ensemble, ceux-là ne correspondent pas ou plus aux dogmes de réalisation ou développement personnel, de réussite individuelle et de narcissisme flexible et agile.

Ceux qui refusent la politique de normalisation de leur différence sont aussi de « mauvais » handicapés, qui refusent le « progrès ». Les Sourds se sont opposés à certaines innovations biotechnologiques (implants cochléaires) sur le registre de la valorisation de leur identité linguistique et culturelle. D’autres catégories aujourd’hui se manifestent sur ce registre : neuroatypicité, « maladie » mentale… Contestant la norme dominante, ils sont caractérisés comme étant de « mauvais » handicapés. Mais aussi ceux qui prennent au mot les discours officiels et réclament l’effectivité des droits des personnes handicapées. Ils exigent que la société agisse concrètement, la critiquant sur son fonctionnement validiste, assignant les personnes en situation de handicap à des positions dominées, et contestant par là l’organisation sociale de hiérarchisation des vies. Dans une société validiste, en définitive il ne peut y avoir que de « mauvais » handicapés, en dehors de ceux qui partagent les valeurs validistes.

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