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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

vendredi 19 août 2022

les bonnes pratiques : ne pas utiliser sans précautions

Les bonnes pratiques : ne pas utiliser sans précautions

Il faut toujours se méfier des argumentations bienveillantes et généreuses lorsqu’on ne prend pas en compte les conditions dans lesquelles vont se mettre en place les objets de ces argumentations. Ainsi, un pays européen a-t-il voulu mettre en place, pour un meilleur suivi de santé et d’accompagnement des femmes enceintes, leur inscription sur une plateforme nationale dès leur première visite chez leur médecin. L’intention peut paraitre louable. Sauf que ce pays a mis des limites très sévères au droit à l’avortement, et que la plateforme permet de surveiller que personne n’avorte clandestinement ou dans un autre pays. L’intention affichée dans une communication officielle ne sert qu’à masquer des intentions et réalités d’une autre nature. L’action politique est saturée de ces décalages : réforme du système de soins pour l’améliorer et système hospitalier ruiné par exemple.

Les recommandations de bonnes pratiques, des milliers de pages en ce qui concerne l’action sociale et médico-sociale, présentent les meilleures intentions du monde, et œuvrent à faire disparaitre ce qui peut être considéré, aux yeux des rédacteurs, comme des pratiques inadaptées, inappropriées, mauvaises, malveillantes. Et de fait, il en existe de telles, qu’il importe de supprimer. Les bonnes pratiques sont issues pour une part des pratiques existantes sélectionnées par des « experts », pour une autre part, des principes politiques actualisant des évolutions concernant la définition du handicap, la place des « usagers » dans notre système et dans la société, la reconnaissance de leurs droits, etc, sans oublier la priorisation des contraintes et caractéristiques de gestion. Ainsi par exemple, la modification des pratiques dans le secteur médico social est placée sous l’égide du financement, dans le titre même de la réforme : SERAFIN-PH, Services et Etablissements Réforme pour une Adéquation des FINancements aux parcours des Personnes Handicapées.

Toutes les pratiques professionnelles existantes n’ont pas été sélectionnées comme bonnes pratiques. Ont été sélectionnées celles qui font consensus parmi des experts choisis, et qui sont conformes aux nouvelles règles de rapports avec les usagers. Que de « mauvaises » pratiques soient rejetées, quoi de plus normal : maltraitance, déni de droits, défaillances professionnelles, non respect des personnes, etc. Mais parfois est rejeté le bébé avec l’eau du bain ! D’autres pratiques, alternatives ou innovantes, sont rejetées dans la même eau. Par exemple, des pratiques inspirées par la psychanalyse sont dorénavant considérées comme des « non-bonnes pratiques », de manière absolue, sans que les effets aient toujours été évalués, ou qu’ils aient été évalués selon une autre norme scientifique. Il ne s’agit pas d’avancer ici que ces pratiques étaient toutes justifiées, mais un tel rejet total et global reste quand même suspect.

Dans ce partage du bien et du mal, des bonnes et des mauvaises pratiques, les pratiques alternatives ou innovantes n’ont aucune place. Toute pratique alternative prend le risque d’être désignée comme contraire au référentiel ou dissonante par rapport au consensus existant. Une situation typique pourrait être celle-ci : un professionnel innove quelque chose qui lui semble aller dans le sens des nouveaux paradigmes relatifs aux accompagnements des personnes en situation de handicap. Il prend plusieurs risques par rapport aux recommandations de bonnes pratiques : s’il veut prendre en compte la vulnérabilité des personnes, son action risque d’aller contre le modèle d’une autonomie qui est le modèle dominant et unique, nonobstant le caractère de vulnérabilité de tout être humain. Ou alors, s’il s’écarte des limites données à l’accompagnement dans la mise en relation entre une nomenclature de besoins et une nomenclature de prestations (SERAFIN-PH), il prend le risque d’être hors des ressources budgétaires autorisées.

Il y a un intérêt à s’inspirer des bonne pratiques recommandées, et à les appliquer. Mais certainement pas d’en faire une nouvelle religion.

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