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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 21 juin 2022

situtation de handicap : un vocabulaire dévoyé

Situation de handicap : un vocabulaire dévoyé

L’expression « situation de handicap » est devenue familière, en particulier dans le monde professionnel, où elle semble être utilisée de plus en plus systématiquement. Mais, lorsqu’on observe de près son utilisation, on s’aperçoit que le sens de l’expression a été dévoyé, et bien souvent elle désigne ou qualifie des représentations, des pensées et des pratiques qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’approche anthropologique et écosystémique qui avait produit cette expression. C’est bien souvent une étiquette « qui fait bien », politiquement correcte, qui prétend attester d’un changement de paradigme là où ce sont de vieux modèles de pensée qui persistent.

Une situation de handicap concerne bien sûr une personne, qui peut, dans certaines circonstances, se trouver dans une situation de handicap. Mais la situation de handicap ne concerne pas cette personne dans ses caractéristiques personnelles ; elle la concerne dans ses activités sociales, dans ses habitudes de vie, dans ce qu’elle fait. La situation de handicap qualifie une habitude de vie pour une personne, pas une personne. Selon la Classification internationale Modèle de Développement Humain – Processus de Production du Handicap (RIPPH, Québec, 2018), « une situation de handicap correspond à la réduction de la réalisation d’une ou plusieurs habitudes de vie, résultant de l’interaction entre les facteurs personnels et les facteurs environnementaux » (p.56). L’habitude de vie quant à elle « est une activité courante ou un rôle social valorisé par la personne ou son contexte socioculturel selon ses facteurs identitaires (l’âge, le sexe, l’identité socio-culturelle, etc.). Elle assure la survie et l’épanouissement d’une personne dans sa société tout au long de son existence. Une habitude de vie est la performance d’une activité sociale en milieu réel de vie. C’est la rencontre de la personne avec son environnement » (p.56).

Ainsi, ce qui définit la réalisation, ou non, d’une habitude de vie c’est l’interaction entre les caractéristiques d’une personne (ses caractéristiques identitaires, celles de son système corporel, physique ou psychique, la réalisation de ses aptitudes) et les caractéristiques de l’environnement dans lequel elle se trouve (et qui peut être facilitatrices ou obstacles, « capacitantes » ou non, aux réalisations des habitudes de vie). La situation de handicap, ou à l’inverse la situation de participation sociale, est par conséquent issue des deux facteurs (personne/environnement). Il s’agit là d’une approche écosystémique des situations de vie de toute personne.

Et qu’observe-t-on ? L’emploi, dans le milieu professionnel, de formules comme « situation de handicap sensoriel » ou « situation de handicap intellectuel ». Formulations qui vont à l’encontre de la notion de situation de handicap. Avec une telle formulation, on renvoie ce dont on est en train de parler, la situation de handicap, non pas à la notion de situation, mais aux caractéristiques personnelles (sensoriel, intellectuel…) référées à des fonctionnements corporels ou d’aptitudes. On perd de vue qu’une situation (de handicap ou pas) est le « résultat » d’une interaction. On qualifie en définitive non pas la situation de handicap, mais ce qui auparavant définissait le handicap, dans une chaine causale de déficiences, d’incapacités et des désavantages que cela entraine. J’ai vu aussi récemment une grille prétendant présenter une approche situationnelle du handicap, sous forme de carte mentale dont les branches explicitaient uniquement les propriétés catégorisées d’aptitudes et d’incapacités personnelles, par catégories de déficiences.

Dans ces deux exemples, il s’agit manifestement d’approches non situationnelles : les « situations de handicap » évoquées dans l’un et l’autre exemple font référence aux caractéristiques (déficitaires) de la personne, non aux situations de vie. On emploie par conséquent une nouvelle expression langagière en place d’une autre, et sans changer le signifié de cette dernière dans ses aspects traditionnels défectologiques. On dit « situation de handicap », on pense « handicap ».

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