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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 15 juin 2022

le handicap ne se guérit pas

Le handicap ne se guérit pas

Au début était la maladie. Ce que l’on nomme aujourd’hui le handicap, catégorie qui s’est construite au fil du temps avec des champs d’extension divers, relevait, dans un passé pas si lointain, d’une approche curative : la préoccupation était de le guérir, de lui apporter un traitement et dans le meilleur des cas de le supprimer. L’approche curative a précédé une approche qu’on peut qualifier de rééducative ou de réadaptative : il ne s’agissait plus de guérir, mais de réparer pour intégrer ou réintégrer la vie ordinaire. Mais l’approche curative demeurait bien présente dans cette nouvelle approche, apparue il y a déjà plus d’un siècle.

L’ancienne volonté curative a-t-elle vraiment disparu, évanouie dans les approches rééducatives qui se sont développées, puis dans les approches sociales ou écosystémiques qui se sont imposées depuis lors ? Rien n’est moins sûr.

Il y a toujours des spécialistes qui veulent à tout prix guérir les personnes handicapées, identifiant la problématique du handicap au dysfonctionnement corporel (physique ou psychique) : faire entendre les sourds, voir les aveugles, marcher les paralytiques, guérir les autistes… Les artéfacts technologiques ou chimiques ne manquent pas, des lunettes pour dyslexiques aux pilules magiques pour les autistes ou pour ceux qui manifestent de troubles du comportement, de l’exosquelette aux implants cochléaires. Ainsi voit-on se développer aujourd’hui tout un marché médico-psycho-développemental de guérison de l’autisme.

Il serait outrecuidant de juger toutes ces solutions inappropriées : certaines d’entre elles sont en mesure d’améliorer la vie quotidienne des personnes concernées, et nombre de progrès technologique sont encore, à l’avenir, susceptibles d’y contribuer. Mais certaines sont aussi des intrusions dans les vies personnelles des individus, et même parfois dangereuses. A l’instar par exemple des thérapies de conversion, dont la finalité serait de modifier des orientations sexuelles considérées, par les promoteurs de ces traitements, comme « anormales ».

Car là est bien la question fondamentale : la guérison ou le traitement se situent bien dans cette problématique de « normalité / anormalité », dans laquelle cette dernière relèverait du registre d’une maladie dont il s’agit de guérir. Au-delà des résultats sociaux positifs des traitements évoqués, il n’en reste pas moins que les traitements sont les signes manifestes de quelque chose qu’il faut modifier, d’un fonctionnement corporel dont il faut sortir, comme on sort d’une maladie.

Les Sourds ont été les premiers à se positionner contre une telle approche curative, en affirmant leur identité sourde, à travers leur langue (une langue visuelle, la langue des signes), leur culture, leur manière d’appréhender le monde et les relations sociales, etc. Ils n’ont pas souhaité guérir de leur déficience auditive, ils ont revendiqué des moyens pour faciliter leur vie dans une société régie par et pour des personnes qui entendent. Un certain nombre de personnes autistes revendiquent aujourd’hui, à partir d’une problématique de neurotypicité / neuroatypicité, une demande de reconnaissance d’un fonctionnement cognitif, relationnel, affectif particulier auquel la société devrait être sensible. Les personnes ayant un trouble psychique, de la même manière attendent qu’on leur reconnaisse leur singularité de fonctionnement psychique, sans vouloir à tout prix les guérir, mais en leur permettant de mieux vivre dans une société plus accueillante. Les personnes ayant une trisomie 21 n’attendent pas d’être guéries, mais d’être reconnues comme des personnes de plein droit.

Dans le reconnaissance de la diversité humaine, l’effort serait peut-être davantage à porter sur la reconnaissance des singularités, et sur l’adaptation des environnements physiques et sociaux aux conditions de vie de toutes ces personnes, que sur les garanties qu’elles puissent être guéries de leurs caractéristiques, qui de fait sont considérées dans ce contexte comme des anormalités.

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