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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 25 avril 2022

ni patient, ni consommateur (ou client)

 Ni patient, ni consommateur (ou client)

Les personnes en situation de handicap ont pendant longtemps été considérées comme des patients, objets de diagnostics, de traitements, de soins et de rééducations. Certains établissements spécialisés à forte présence médicale sont encore identifiés à leurs « blouses blanches ». Dans les établissements et services accueillant des enfants ou des adultes handicapés, si c’est le terme « usager » qui définit administrativement les personnes accompagnées, les professionnels médicaux et paramédicaux qui y travaillent ont encore des patients. Héritant des anciennes représentations du handicap, l’utilisation de ce terme renvoie à une conception individuelle et biomédicale, où le handicap est l’équivalent de la déficience et des incapacités conséquentes. Avoir un patient, c’est par conséquent chercher à le « guérir », à améliorer son fonctionnement corporel (physique ou psychique), à le remettre en bonne santé et/ou dans le droit chemin, dans les normes de fonctionnement communes à tous.

Le concept a heureusement évolué dans les recherches scientifiques, dans les orientations politiques ainsi que dans les revendications et les luttes des personnes en situation de handicap. Il n’est plus un problème de santé, individuel. Les personnes vivent des situations de handicap lorsque l’environnement met des obstacles à leur participation sociale, lorsqu’ils n’ont pas accès aux services pour tous, lorsque leurs droits ne sont pas respectés ou pas effectifs. Sur ce plan une personne handicapée ne peut être un patient, en tout cas pas plus que chacun d’entre nous, dans le moment où nous avons besoin de soins et rencontrons un médecin. Lorsque j’ai une maladie, je ne suis pas un patient 24 heures sur 24.

Afin de sortir de cette approche réductive et normalisatrice du patient, avec ses conséquences excluantes, et de s’extraire des conditions peu enviables des personnes en situation de handicap dans les institutions spécialisées eu égard à leurs droits, à leur participation sociale et à leur autodétermination, une autre approche s’est faite jour, et a été préconisée. Celle de considérer les personnes concernées comme consommateurs des services qui leur étaient dus. De patients, ils devenaient consommateurs et clients, avec l’idée de liberté de choix attachée à ce dernier rôle. Devenir client devenait émancipateur des lourdeurs institutionnelles : une personne en situation de handicap ne serait plus soumise aux institutions qui décidaient à sa place, pas plus qu’aux milieux médicaux qui imposaient leurs valeurs et conditions de vie.

L’approche consommateur ou client fait l’impasse sur les évolutions environnementales nécessaires à l’émancipation des personnes en tant que membres d’une société. Ou plutôt elle postule qu’elle va elle-même modifier les environnements, ce que rien n’atteste. Elle peut certes permettre à des individus (souvent d’ailleurs ceux qui se débrouillent le mieux, les plus « adaptés ») de s’en sortir dans les meilleures conditions, comme on le voit dans le monde d’aujourd’hui massivement marchandisé. Mais il s’agit toujours d’une solution individuelle qui est censée, en étant cumulative, faire le progrès de tous. Or ce progrès de tous, général, de tous y compris les personnes en situation de handicap, passe aussi et certainement par des évolutions sociales et sociétales « collectives » qui prennent en compte l’humain, et les humains dans leur globalité, et pas seulement comme des homo oeconomicus. Une, ou plusieurs, personne qui bénéficie d’avancées en tant que consommateur ne fait pas le bonheur d’une société. Un consommateur ou un client ne participent pas d’une émancipation individuelle et collective : cela se saurait !

Les activistes handicapés ne s’y trompent pas, en récusant à la fois l’approche patient et l’approche client. Leur préoccupation n’est pas d’acheter le meilleur service pour eux-mêmes, mais de lutter pour que la société soit plus juste, plus égalitaire, plus respectueuse, et qu’ils puissent participer, à part entière et égalité, à la société dans laquelle ils vivent.

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