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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 18 octobre 2021

handicap, soins et domination

Handicap, soins et domination

Qu’est-ce qui réunit aujourd’hui un certain nombre de personnes sous la catégorie « handicapé » ? Ce n’est pas la ressemblance relativement à ce qui est à l’origine de leur catégorisation, à savoir les déficiences, maladies, troubles, incapacités qui les assignent à faire partie d’une catégorie administrative. En effet qu’ont en commun une déficience visuelle et un polyhandicap, une déficience motrice et un trouble psychique ? Si ce n’est que des limitations d’activité ou des restrictions de participation sociale sont « subies » pour ces raisons, comme le dit la définition de la loi de 2005. Si ce n’est aussi que ces caractéristiques ont en commun d’être des anomalies par rapport à des normes appartenant à des personnes qui n’ont pas de problèmes de santé, ainsi que l’OMS définit les situations de handicap.

Toutes ces personnes sont réunies administrativement dans la catégorie « handicapés », conditions de mise en œuvre des politiques publiques les concernant, et délimitation d’une frontière séparant ceux qui sont dans les normes physiques ou psychiques de ceux qui n’y sont pas. Les caractéristiques partagées administrativement deviennent celles d’une vie non-normale. La catégorie « handicapé » institutionnalise une frontière entre ceux qui sont dans la norme et ceux qui ne le sont pas, posant ainsi le principe séparant (discriminant) deux catégories de personnes, selon leur conformité physique ou psychique à la norme. Les normes étant relatives, l’appartenance à la catégorie du handicap (ou de la maladie) peut évoluer avec le temps, et la frontière n’est pas définitivement fixée. Ainsi l’homosexualité est-elle sortie de la maladie à la fin du siècle dernier, tandis que les troubles des apprentissages (en particulier les « dys ») sont entrés dans le champ du handicap.

En réalité, il est un autre facteur qui réunit toutes ces personnes sous la catégorie « handicapé » pour peu que l’on pose la question non plus du point de vue du fonctionnement corporel (physique ou psychique), mais en termes politiques : ce sont les situations de domination et de dépendance. Les personnes handicapées, ou plutôt les personnes en situation de handicap, sont des personnes qui subissent, en raison de leur fonctionnement corporel, aussi divers dans leur nature que dans leur intensité, des dominations de la part d’une société qui fonctionne sur la base des personnes qui n’ont pas ce type de fonctionnement corporel, qui ont un fonctionnement corporel dit « normal ». Elles subissent des dominations et des discriminations de la même manière que par exemple les personnes obèses, qui ne sont pour autant pas considérées comme étant handicapées.

Tant que l’on ne pose pas le problème sur un plan politique, les politiques publiques se contenteront d’un accompagnement de la compensation, c’est-à-dire des interventions destinées à rapprocher les personnes concernées des normes instituées, à répondre à des besoins manifestant les écarts avec les modalités de vie des personnes « bien-portantes ». C’est une manière de prolonger les politiques qui s’étaient concrétisées par les principes de soins, rééducation et réhabilitation destinées aux personnes handicapées auxquels s’adjoignaient des principes charitables. L’accessibilité n’est conçue dans ce cadre que partiellement, sur un plan technique (transports, logement, communication), sans envisager le changement radical qu’impose l’égalité des droits des personnes en situation de handicap avec les droits de tous.

La participation des personnes en situation de handicap, leur autodétermination, leur émancipation, ne sont pas compatibles avec leur catégorisation tant que l’unité des personnes handicapées sera vue comme le partage d’une condition biologique et non comme le partage d’une condition dominée ; tant que cette catégorisation sera comprise comme le principe d’action d’une intervention sur des corps à soigner et à qui donner la charité ; tant que les personnes handicapées ne seront pas vues comme des acteurs sociaux à part entière qui subissent des dominations, comme et avec d’autres catégories de personnes.

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