Les ségrégations de l'école inclusive
Le discours officiel se fait fort aujourd’hui de communiquer
l’idée que le gouvernement est celui qui a fait, fait et fera le plus en faveur
des élèves en situation de handicap, instituant ce discours en vérité et
réalité discursive. Loin de ce que vivent et ressentent les parents d’enfants
handicapés, leurs associations, les professionnels de l’éducation (enseignants)
ou les professionnels de leurs accompagnements (AESH, professionnels du secteur
médico-social).
Mais, et c’est là un obstacle majeur à l’inclusivisation de l’école, cette inclusion n’est pensée que pour les élèves en situation de handicap. Quand il s’agit d’inclusion à l’école, les politiques ou la presse ne font référence qu’aux élèves en situation de handicap. Pas à tous ceux qui ne parviennent pas, pour une multitude de raisons, à suivre les mêmes rythmes et les mêmes modalités d’apprentissages que la majorité des élèves. Ceux qui pourtant sont identifiés, sans catégorisations a priori, comme des élèves à besoins particuliers, et qui sont nombreux à l’école : ce sont ceux qui dès le début de leur scolarisation parfois, ou au cours de celle-ci, vont rencontrer des difficultés d’apprentissage, être en échec, et achever leur scolarité dans des « voies de garage », et galérer ensuite dans leur insertion professionnelle.
Les évolutions du système éducatif pour être plus inclusif
ne peuvent être que vouées à l’échec dès lors qu’il ne se préoccupe que de
l’inclusion d’une petite partie et qu’il ignore l’inclusion de nombreux autres
élèves. La conceptualisation de l’inclusion aujourd’hui, de l’UNESCO aux
résultats de nombreux chercheurs, affirme la nécessité d’un changement profond
du système pour que l’inclusion de tous (c’est la définition même de
l’inclusion) soit efficiente.
Alors comment prétendre à une école inclusive pour tous
quand tout est fait pour réduire et dégrader le service public d’éducation
(dont on a vu les effets lors de la crise sanitaire) ? La mobilisation
permanente pour l’inclusion des élèves en situation de handicap se heurte à une
politique publique qui laisse se développer la ghettoïsation, en laissant faire
la ségrégation des espaces urbains selon des catégories sociales, avec leurs
conséquences sur les populations des établissements scolaires. Comment penser
l’inclusion quand il est légitime politiquement d’avoir de bons établissements
scolaires et de mauvais établissements scolaires ? Comment penser
l’inclusion dans un double système éducatif, avec d’une part un service public
financé a minima, et d’autre part un système privé financé avec ce même minima
auquel s’ajoutent des ressources substantielles provenant d’autres sources et
contribuant à la « qualité » de l’établissement ? Comment mettre
en place l’inclusion quand il est toléré, voire encouragé idéologiquement, que
des établissements élitistes puissent exclure les élèves qui pourraient faire
baisser la performance globale de l’établissement ? Un système d’éducation
inégalitaire comme l’est le système français ne peut produire qu’un discours
hypocrite sur l’inclusion et des situations réelles de ségrégation.
C’est ce qui explique, malgré un discours officiel offensif
sur l’inclusion des élèves handicapés, que les évolutions restent en panne,
l’éducation de tous étant davantage considérée comme un coût que comme un
investissement sociétal pour tous ou comme un bien commun. La situation peu
enviable professionnellement des AESH, en est un signe majeur, tout comme le
manque de formation des enseignants à l’enseignement différencié, l’absence de
pratique réflexive sur les pratiques pédagogiques, les effectifs des classes,
le manque de matériel et de supports fournis aux enseignants (pendant la crise,
ils se sont servis de leur matériel personnel), etc. Les choix qui sont fait
mettent de nombreux enseignants dans l’incapacité d’inclure véritablement les
élèves en difficultés (dont ceux qui sont en situation de handicap), d’autant
que les difficultés en question trouvent des réponses, plus ou moins
efficientes, à l’extérieur de l’école, avec les financements qui manquent à
l’école, soit dans le soutien privé lucratif (dont les coûts dont partiellement
déduits des impôts), soit dans les remboursements de l’assurance maladie.
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