Les difficultés scolaires : en dehors de l'école
Agitation, troubles de l’attention, difficultés d’apprentissages, dysphasies, dyslexies, dyspraxies, dysgraphies, dyscalculies, troubles de raisonnement logico-mathématique, troubles d’organisation et de planification du travail scolaire… Tous ces dysfonctionnements n’ont pas (plus) leur place à l’école. Certes les enfants qui manifestent ces difficultés et ces dysfonctionnements sont présents à l’école. Mais la recherche de solutions et réponses pédagogiques n’est plus au sein de l’école. Ces élèves sont renvoyés, en dehors de l’école, à des traitements médicaux, para-médicaux ou rééducatifs auprès d’orthophonistes, de psychomotriciens, d’ergothérapeutes, de psychologues ou autres thérapeutes.
Ce faisant, les difficultés et dysfonctionnements en
question sont attribués à des causes individuelles, à la nature et aux
caractéristiques personnelles de l’élève vivant cette situation, et celui-ci
doit donc corriger ces caractéristiques pour « être élève » et
répondre aux attendus de l’école. Ils ne sont nullement référés aux
caractéristiques de fonctionnement d’une école qui n’est adaptée (ou qui ne
peut ou ne veut l’être) ni aux différents profils d’apprentissage, ni aux fonctions
d’apprentissage pour tous les élèves, quelles que soient leurs
caractéristiques. L’école se défausse de ses propres difficultés à gérer les
apprentissages, comme des difficultés rencontrées par un grand nombre d’enfants
à se conformer à ses modalités d’action, sur des interventions extérieures
labellisées sous le sceau médical ou thérapeutique.
Cette manière de penser et d’agir sur difficultés et
dysfonctionnements trouve aujourd’hui sa chambre d’écho dans l’hégémonie des
approches neurodéveloppementales qui envisage essentiellement les troubles en
question comme un dysfonctionnement du cerveau qui ne s’est pas développé
normalement, et dont il suffirait d’atténuer les réactions ou de réparer les
circuits pour parvenir aux normes attendues. Elle confirme l’attribution des
difficultés à l’enfant lui-même, et non aux interactions avec un environnement
(scolaire, social, familial) qui peut, ou pas, contribuer aux réponses
dysfonctionnelles.
Les nombreux exemples donnés dans l’ouvrage dirigé par B
Lahire (Enfances de classe, Seuil, 2019) sur les socialisations enfantines
(famille, famille élargie, école maternelle) montrent bien comment des
dispositions environnementales (matérielles, dans le rapport à l’autorité et
l’autonomie, au langage et à l’écrit…) construisent des attitudes
comportementales et des dispositions aux apprentissages telles qu’attendues à
l’école. Et c’est justement la réalisation de ces « non-attendus »
qui caractérisent les difficultés renvoyées à des traitements extra-scolaires.
L’origine sociale des enfants en difficultés confirme le caractère
« social » de ces difficultés.
Le fait d’éloigner ces problèmes de l’école vers l’extérieur
a pour corollaire de les pathologiser (soumission à un diagnostic, traitement
médical et/ou paramédical, financement par l’Assurance maladie), de faire de
ces enfants des « malades à soigner ». Cela aboutit parfois à
l’assignation, à l’appartenance à une catégorie administrative, celle du
handicap, seule manière de justifier, et de financer les traitements
extra-scolaires.
On en peut manquer de s’étonner ici comment la marche vers
l’école inclusive peut être entravée par de telles dispositions. Si, en effet,
même en dehors des situations de handicap avérées et reconnues
administrativement, l’école n’est pas en capacité de gérer les difficultés et
dysfonctionnements rencontrés par tous ces élèves renvoyés vers l’extérieur,
comment pourrait-elle essayer de trouver des (une partie) réponses aux
situations d’apprentissage des enfants handicapés ? Sauf à faire la même
chose, à savoir tolérer leur présence, mais ne les accepter qu’avec
accompagnement (AESH) et dévolution des apprentissages fondamentaux à
l’extérieur. C’est par définition le contraire de l’école inclusive, à moins de
reconnaitre que le quart ou la moitié des élèves est handicapé.
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