Le spécialisé obstacle à l'inclusion
Les dispositifs spécialisés pour élèves handicapés en milieu
ordinaire, soit les Unités localisées pour l’Inclusion Scolaire (ULIS), soit
les Unités d’Enseignement externalisées (UEE), sont censées favoriser
l’inclusion, à tout le moins constituer une forme inclusive de scolarisation.
Sauf que la présence d’un tel dispositif dans un
établissement scolaire justifie, par son existence même, que certains élèves,
ceux pour lesquels est censé exister le dispositif spécialisé, soient
légitimement exclus des dispositifs ordinaires, pour tous. Pour quelles raisons
en effet existerait-il un dispositif spécialisé si ce n’est pour y mettre un
certain type d’élèves, ceux qui ne sont pas en mesure d’accéder ou qui n’ont
pas droit aux dispositifs de droit commun ?
Lorsque n’existe pas de dispositif spécialisé, et qu’un
élève handicapé est scolarisé dans un établissement scolaire, il est élève de
plein droit de cet établissement : il y est inscrit comme les autres, il
participe aux cours, etc., parfois avec une aide de compensation ou
d’accessibilité (Accompagnants des élèves en situation de handicap, services
médico-sociaux). Lorsqu’existe un dispositif spécialisé, la situation est toute
autre. L’élève de ce dispositif spécialisé ne fait partie de l’établissement
scolaire que de manière marginale : inscription spéciale ou inactive, ou
pas d’inscription du tout, vie sociale centrée sur le dispositif spécialisé,
accompagnements par des professionnels « étrangers » à ou marginaux
de l’établissement scolaire. Dans le premier cas, l’élève fait partie de
l’établissement scolaire, dans le second cas il faut partie du dispositif
spécialisé.
En l’absence de dispositif spécialisé, l’élève handicapé est
pris en charge de plein droit dans l’établissement scolaire, dans la vie
scolaire et dans les classes, quelles que soient ses difficultés. Certes, de
fait on peut considérer que la situation n’est pas complétement satisfaisante,
tant cette catégorie d’élèves est plus ou moins bien accueillie, et que les
difficultés ne sont pas toujours prises en compte. Certains enseignants
s’adaptent et adaptent leurs interventions en considérant que ces élèves sont
de droit dans leurs classes. D’autres déplorent toujours qu’il n’y ait pas de
dispositifs spécifiques pour les accueillir, qu’ils n’ont pas leur place dans
leur classe. Dans cette situation de bonne volonté, de volontarisme comme de
résistances fortes, l’établissement scolaire évolue, tant bien que mal, dans sa
mission d’accueillir tous les élèves, en mettant progressivement en place des
pratiques adaptées. Et dans ces conditions, on peut penser que les élèves
handicapés peuvent se sentir de plus en plus inclus, et ainsi partager la
sociabilité scolaire, collégienne ou lycéenne.
Lorsqu’un dispositif spécialisé est présent dans
l’établissement scolaire, malgré les intentions inclusives de ces dispositifs,
la situation est différente. Il y a légitimité et légitimation à ne pas
accueillir tous les élèves, certains étant destinés à une filière relativement
cloisonnée. Dès lors qu’un enfant présente des caractéristiques telles qu’une
déficience ou des incapacités de telle ou telle nature, et finalement quelle
qu’en soit la gravité, il devient naturel qu’il soit affecté à un dispositif
qui a pour vocation d’accueillir de tels enfants.
Les dispositifs spécialisés en établissement ordinaire ont
par conséquent autant pour fonction de favoriser la présence d’élèves
handicapés en milieu ordinaire, soit d’être une des configurations de l’inclusion)
que de dispenser l’établissement scolaire d’accueillir ces élèves dans les
dispositifs ordinaires (en les adaptant et les rendant accessibles), soit
d’être une des configurations de l’exclusion, fut-elle de l’intérieur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire