La sur-stigmatisation de l'accompagnement
La stigmatisation est une réalité sociale vécue par les
personnes en situation de handicap : stigmatisation par les corps
différents (locomotion en fauteuil, aspects physiques, utilisation de la langue
des signes…) ; stigmatisation par leur orientation en établissement
spécialisé et leur différence de statut dans l’établissement scolaire, allant
parfois jusqu’à un déni de leurs droits par refus de leur inscription dans
l’établissement scolaire (dans la situation d’un dispositif externalisé) ;
stigmatisation par l’accompagnement qui leur est prodigué et dont la nature
dépend parfois davantage des représentations que s’en font les professionnels
(spécialisés ou non) que des véritables besoins de ces élèves.
A l’origine de ce dispositif d’externalisation dans le début
des années 2000, il avait été convenu, ou plutôt exigé, autant par les
professionnels de l’établissement spécialisé que par l’administration et les
professionnels du collège, la présence d’un éducateur lors du temps de
restauration : les assistants d’éducation surveillaient les élèves, les
éducateurs surveillaient le petit groupe de jeunes sourds.
Emeline eut un accident, et fut contrainte de se déplacer en
fauteuil. Les collégiens déjeunaient dans l’établissement scolaire voisin (un
lycée) et pour cela devaient emprunter un dénivelé avec un escalier. Lorsqu’une
telle situation se présentait pour un collégien, un assistant d’éducation
l’accompagnait par l’extérieur sur un cheminement accessible au fauteuil. Pour
Emeline, non inscrite au collège, ce fut naturellement l’éducatrice qui fut
requise pour l’accompagnement sur ce cheminement. Se posa la question des
autres jeunes sourds : je pensais, naïvement, qu’ils allaient pouvoir utiliser
le parcours habituel. Quelle ne fut ma surprise de voir le principal du collège
évoquer différentes solutions à ce grave problème, comme de faire cheminer les
jeunes sourds par l’extérieur, sous la surveillance de l’éducatrice. Devant le
ridicule de la situation, il faut quand même convenu de la solution raisonnable
de l’« autonomie » des jeunes sourds, dans l’ « anonymat »
des autres collégiens.
Mais ce que révèle cette situation, c’est que la
stigmatisation des corps et des statuts peut être amplifiée par les modalités
d’accompagnement. Lorsqu’un personnel spécialisé est présent de manière
permanente sur la cour, les élèves handicapés en font leur référence,
n’utilisant pas les ressources de l’établissement scolaire. En miroir, les autres
élèves et les professionnels de l’établissement scolaire instaureront une
frontière entre les élèves « ordinaires » et ce groupe spécifique,
relevant d’un accompagnement qui ne les concerne pas, puisque des spécialistes
leur sont dédiés.
Il ne suffit pas d’être stigmatisé par ses caractéristiques
liées à la déficience, il faut aussi que l’environnement sur-stigmatise la
personne dans son organisation sociale (scolarisation atypique au collège) et
dans ses pratiques quotidiennes (représentations d’incapacités et moyens mis en
place), et produise finalement des situations de handicap.
Vous avez un travail satisfaisant
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