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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 18 juin 2018

"Tiens, ils ont dû s'échapper"

"Tiens, ils ont dû s'échapper !"


C’était un printemps, et ses premiers jours ensoleillés. Je me trouvais à une terrasse de café, dans une rue en pente. En bas de la rue, et essayant d’utiliser au mieux l’étroit espace de trottoir laissé libre par les terrasses alignées, deux jeunes adultes tentaient de manœuvrer leurs fauteuils roulants pour remonter la pente. Arrivés à ma hauteur, j’entendis une consommatrice de la table voisine dire à son amie : « Tiens, ils ont dû s’échapper de leur truc ! »


A priori, il ne s’agissait pas d’une mauvaise blague mal intentionnée envers les handicapés. Non il s’agissait vraisemblablement d’une remarque ou d’une observation de « bon sens » tout à fait symptomatique des représentations de la place des personnes handicapées dans la société. Ces deux jeunes avaient certainement des déficiences motrices qui exigeaient qu’ils aient recours à un fauteuil. Ils avaient aussi des « marqueurs » de handicap dans leur modalité de communication, dans leurs attitudes et postures.

« Leur truc » désignait vraisemblablement l’espace physique qui devait et devrait leur être dédié, le lieu spécialisé destiné à accueillir ce type de population, le lieu où on (population non handicapée) attend qu’ils soient relégués. Leur place en tout état de cause n’était celle de l’espace public où ils étaient devenus visibles. D’ailleurs ils avaient dû « s’en échapper », pour s’exposer ainsi aux yeux de tous dans cette rue en pente. « S’échapper » est en outre bien le terme qui indique leur espace dédié naturel, celui où ils devraient rester, loin des endroits fréquentés par « nous ».

Certes les personnes handicapées ont acquis de la visibilité, elles peuvent faire valoir leurs droits, en particulier depuis la loi de 2005. Mais les représentations d’exclusion restent ancrées : cette scène se déroule en 2017.

Ce que cette expression dévoile de cruauté, de violence et d’exclusion reste donc profondément ancré, même si on l’observe la plupart du temps sous forme d’un euphémisme politiquement correct. N’est-ce pas cette même place reléguée qu’on assigne aux personnes handicapées qu’on trouve dans ces réflexions, ces propos, ces attitudes :
  • ·    Lorsque l’on met en avant l’aspect irréel, utopique, impossible ou rédhibitoire que revêtirait la scolarisation des enfants handicapés dans l’école, sans aller même jusqu’à la scolarisation de tous les enfants, quel que soit le degré de handicap ?
  • ·   Lorsque l’on déplore le manque de place en institution spécialisée sans s’interroger sur les obstacles de participation des personnes handicapées dans les lieux de vie de tous ?
  • ·      Lorsque l’on est convaincu de l’impossibilité de mise en place de l’accessibilité universelle ?
  • ·     Lorsque l’on a un regard gêné quand on croise une personne handicapée dès lors qu’elle fait voir un corps différent ou qu’elle manifeste des attitudes dérogeant à la normalité dans les lieux publics ?

Derrière les bons sentiments prônant la mise en œuvre de la participation sociale et de l’inclusion des personnes qui rencontrent des situations de handicap dans notre société, il y a tous les « mauvais sentiments » qui nous font les éloigner et les reléguer. Leur inclusion passe aussi certainement par une prise de conscience générale à ce niveau, en particulier chez les professionnels qui les accompagnent.

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