Peut-on les inclure tous ?
A cette question, la première réponse, brutale, est
« non ! », et ceci au regard des dysfonctionnements extrêmement
importants que vivent au sein de l’école certaines personnes qui ont des
déficiences, des maladies ou des troubles, en même temps qu’au regard des
fonctionnements de l’école. Même les plus fervents des défenseurs de
l’inclusion scolaire se heurtent à ce point aveugle de l’impossibilité de
concevoir pratiquement la présence de certains enfants dans l’école, comme par
exemple celle de certains enfants polyhandicapés, qui se trouveraient là dans
des situations extrêmement complexes de handicap. Sans même évoquer ces
situations extrêmes, nombreux sont aussi ceux qui ont du mal à penser que, par
exemple, des élèves ayant une déficience intellectuelle (des troubles de la
fonction cognitive) puissent sereinement être scolarisés, et en tirer profit,
au sein d’un collège. Ou que des enfants sourds ayant besoin de la langue des
signes puissent effecteur leur scolarisation, même avec accessibilité, dans une
modalité d’inclusion individuelle.
Pour les situations évoquées ci-dessus,
on pourrait imaginer par exemple que l’école sache mieux gérer l’hétérogénéité
des élèves dans une classe de collège, leur permettant d’offrir un cadre
d’apprentissage différencié et valorisant pour chacun des élèves, tant pour
ceux qui ont des difficultés scolaires sans pour autant avoir des déficiences
que pour ceux qui ont des déficiences. On pourrait imaginer aussi que des
jeunes sourds puissent être regroupés dans un même établissement scolaire (ce
qui se profile déjà avec la création des Pôles d’Enseignement pour Jeunes
Sourds : PEJS), qui lui-même utilise la langue des signes comme langue
d’enseignement, y compris partiellement pour les élèves qui entendent (cela
existe déjà ailleurs qu’en France). Mais lorsque l’écart est trop grand (les
enfants polyhandicapés par exemple), le point aveugle de l’impossibilité
conceptuelle et pragmatique de l’inclusion demeure.
Mais on peut appréhender la question d’un autre point de vue,
plus « radical » : de quel droit pouvons-nous (le
« nous » étant des personnes valides, ou n’ayant pas ces
dysfonctionnements) décréter que certaines personnes, certaines catégories de
personnes, n’ont pas le droit, ou n’ont pas les capacités de vivre ce que à
quoi nous avons droit de vivre dans notre vie quotidienne et dans nos rôles
sociaux ? Que certaines personnes sont par principe exclues de notre
humanité ?
Dans cette problématique, l’inclusion ne représente pas une
modalité d’organisation de la scolarisation, mais un horizon vers lequel on
s’achemine, et dont les conditions de réalisation se modifient au fur et à
mesure que l’on s’engage dans la perspective inclusive. Il y a des élèves dont
on n’envisageait même pas l’inclusion il y a vingt ans, et qui sont inclus
aujourd’hui. Il y a des enfants dont on n’envisage pas aujourd’hui l’inclusion,
et qui dans vingt ans seront peut-être inclus. A condition toutefois que de
nombreux acteurs s’engagent dans ce principe d’action (sans persister à dire
que c’est de toutes façons inenvisageable), et que, bien évidemment, l’école
modifie ses pratiques.
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