Pourquoi y a-t-il (encore) des escaliers ?
Les escaliers sont une invention formidable : ils
permettent de monter ou de descendre (plus) facilement des espaces pentus. Mais
leur utilisation est quelque peu problématique, voire impossible pour certaines
personnes : personnes avec poussettes ou landaus, personnes en fauteuil,
personnes ayant des difficultés de locomotion, etc. Lorsque les escaliers sont
le seul moyen d’accéder à un lieu (dans l’espace public ou dans un immeuble
d’habitation par exemple), ils deviennent un obstacle à la « participation
sociale » d’un certain nombre de personnes.
Et lorsqu’il s’agit aujourd’hui de concevoir un lieu public,
un bâtiment, un cheminement, en dehors de l’ascenseur, nécessaire dans
certaines situations, sont prévus de plans inclinés, des rampes … et des
escaliers. Qu’est-ce qui justifie que systématiquement soit prévue la
construction d’escaliers ?
Que le plan incliné soit prévu pour permettre l’accès de
certaines personnes se comprend dans la mesure où les escaliers sont
inaccessibles. Mais le plan incliné est quant à lui accessible à tous, y
compris à ceux qui sont en mesure d’utiliser les escaliers. Pour quelles
raisons donc construire deux objets, lorsqu’un seul (le plan incliné)
conviendrait à tous, avec par conséquent des surcoûts ?
Je ne suis pas sûr qu’il faille chercher des raisons
techniques profondes pour donner la réponse. C’est sans doute que les escaliers
étant pensés historiquement les premiers et les plans inclinés les derniers, et
de surcroit pour une population « minoritaire » ; l’évidence de
la conception des escaliers aujourd’hui s’impose encore comme allant de soi.
Pourtant ce double cheminement, l’un pour tous, l’autre pour une partie de la
population (les valides) a un coût. L’idée serait peut-être, afin de
restreindre les coûts, de ne proposer qu’un seul cheminement, celui accessible
pour tous, c’est-à-dire le plan incliné.
Cette conception de penser les choses en avance pour toute
la population s’appelle la conception de l’accès universel. Ce qui sera retenu
sera la solution qui convient à tous, et non les solutions qui mettent une
priorité à un accès habituel (les escaliers) auquel on rajoute une solution
adaptée à quelques-uns. Le plan incliné à côté des escaliers dénote bien la
préoccupation d’une société d’inclure des personnes qui sans cela ne pourraient
accéder à une participation sociale satisfaisante, et rencontreraient une
situation de handicap. Le plan incliné comme seule solution caractérise
davantage une société qui se voudrait inclusive. On peut trouver dans cet
exemple la différence entre inclusion sociale et société inclusive.
J’ai bien conscience que cet exemple est caricatural, et que
les escaliers ne sont pas toujours inutiles ou superflus dès lors qu’une autre
solution s’offre à tous. Mais il a l’avantage de poser la question de
différencier les approches inclusives : inclusion/adaptation à des
personnes à qui le monde ordinaire ne convient pas, ou société inclusive qui se
pense et s’aménage en fonction de toutes les différences existant en son sein.
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