Entre la conviction et la responsabilité
Tout le monde s’accorde sur un discours, qui est bien dans
l’air du temps, des changements nécessaires concernant les politiques
d’accompagnement des personnes en situation de handicap, des élèves en
situation de handicap à l’école, allant vers davantage d’inclusion, de
participation sociale, d’autonomie, de leur plus grande écoute, du
développement de leur empowerment. Mais
dans les établissements médicaux-sociaux, et dans les services, ce discours se
heurte à des pratiques bien différentes.
On ne va pas externaliser un dispositif sous la pression de
professionnels qui vont mettre en garde sur les risques qu’on fera subir aux jeunes
élèves en leur enlevant la protection nécessaire, ou en niant le besoin qu’ils
auraient d’être toujours entre eux pour être bien. On va légitimer le maintien
en dispositif spécialisé de jeunes collégiens sous la pression de
professionnels inquiets de la souffrance, le plus souvent fantasmée, qu’ils
vont développer dans le vivre ensemble avec les autres, ou sous la pression
d’enseignants spécialisés garantissant que leur place n’est pas dans la classe
« ordinaire » puisqu’ils ont besoin d’enseignement spécialisé, comme
une tautologie de toute éternité. On ne mettra pas d’accessibilité (interface
ou interprète en langue des signes) sous la pression d’enseignants spécialisés
qui considèrent que le besoin des jeunes sourds est de la compensation
(pédagogie spécialisée et adaptative), en raison des moindres capacités (en
langue, en vocabulaire, en cognition, etc.) attribuées a priori aux jeunes
sourds.
Dans bien des établissements ou services spécialisés, il y a
un écart, parfois immense, mais pas toujours perçu, entre ces pratiques
concrètes et les discours institutionnels, les projets de service ou
d’établissement, les rapports d’activité, les évaluations internes et externes,
tous allant dans le sens d’évolutions souhaitables au regard des évolutions
philosophiques, conceptuelles et organisationnelles attendues dans les
orientations politiques. L’éthique de conviction est rodée, bien assise,
séduisante. Mais quand on regarde ce que cela donne en termes d’action
proprement dite, le tableau est trompeur. Car ces belles évolutions affichées
se heurtent à des « résistances ».
Les bonnes pratiques de management enjoignent de prendre en
compte ces résistances, pour savoir comment résister en quelque sorte
positivement à ces résistances, avec tout un arsenal de jolies formules et de
technique élaborées. Mais le plus souvent, on laisse faire, on évite de faire
des vagues, on est plus soucieux de la bonne gestion plutôt que de chercher à
savoir quoi faire pour véritablement répondre aux politiques d’accompagnement
préconisés pour servir les personnes en situation de handicap. Et même parfois,
lorsque des professionnels, professionnels de terrain ou cadres intermédiaires,
prennent des initiatives qui vont dans ce sens, en écart ou en opposition avec
certaines résistances majoritaires, il arrive qu’ils soient
institutionnellement désavoués, et dans le paroxysme d’une institution
fonctionnant sur le rapport de force, jetés en pâture à la pensée dominante,
cachée et non affichée, qui alimente l’immobilisme.
Il y a là un des obstacles aux évolutions souhaitables, dû
au manque de détermination de certains responsables n’arrivant pas, souvent de
manière inconsciente, à mettre en cohérence éthique de conviction et éthique de
responsabilité.
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