Inclusion et mixité sociale
Dans l’école
française, la mixité sociale est en régression. Les notes de la DEEP (Education
nationale) le mettent en évidence. Un rapport de la Cour des comptes (Mai 2025)
le pointe également. La mixité sociale a pourtant toujours constitué, sous
différentes formes, un enjeu de politique publique éducative (école pour tous,
élitisme républicain, collège unique, zones prioritaires, …). Pour autant, le
constat d’aujourd’hui est celui-ci : la mixité sociale a régressé.
Peut-être faut-il y trouver une raison dans la coexistence, à côté des discours
généraux de ces politiques éducatives, de décisions tout autant politiques qui
n’ont pas donné, ou même ont enlevé les moyens de les mettre en œuvre :
des moyens inégalement répartis avec des zones prioritaires laissées en déshérence,
une réduction des moyens, le manque de formations des personnels enseignants et
éducatifs, des encouragements à l’enseignement privé devenant de plus en plus
ségrégatif, la « gentrification » et la ghettoïsation
d’établissements, et plus globalement, le désengagement de l’Etat des missions
de service public.…
Le déconsidération
sociétale pour l’école (l’école n’est plus ce qu’elle était, on n’y apprend
rien…), dont on trouve un indice dans la critique unilatérale des enseignants
et des coûts de l’éducation nationale, va de pair avec des surinvestissements
parentaux dans l’éducation dans une configuration de lutte des places. Tous les
effets de ces choix « incohérents » par rapport à l’école se
manifestent dans une moindre mixité sociale, en même temps que continue de
fleurir le discours de mixité sociale, de citoyenneté, de vivre ensemble. Rien
n’interdit dans ce contexte à un élu politique de clamer ces principes
républicains pour l’école et dans le même temps refuser de financer des travaux
de rénovation (il y pleut !) dans un lycée professionnel tout en dotant
d’une généreuse subvention un lycée d’enseignement privé pourvus d’excellentes
infrastructures et dérogeant manifestement à la mixité sociale.
Que signifient
alors les incitations, les encouragements ou le volontarisme inclusif
concernant les élèves handicapés, quand la régression de la mixité sociale sépare
les enfants selon des catégories sociales ? Une institution ségrégative
comme l’est l’école à l’égard de catégories sociales, basée sur refus implicite
ou explicite de la mixité sociale, ne peut être que dans un discours
compassionnel lorsqu’elle prétend accueillir des élèves handicapés, pas dans l’inclusion.
Et pourtant,
malgré ces choix politiques et sociétaux de promotion de la ségrégation, les
élèves sont davantage et mieux accueillis au sein de l’école, tout en étant
loin du compte d’une école inclusive. Des enseignants inventent des modalités
pédagogiques pour s’adapter aux caractéristiques des élèves. De nombreuses
ressources numériques en ligne sont à leur disposition pour modifier leurs
pratiques. Des applications numériques facilitent certains apprentissages. La
conception universelle des apprentissages (de l’enseignement) commence à être
connue. Des dispositifs sont mis en place dans les établissements scolaires, si
ce n’est encore en classe, (ULIS, UEE, UEMA…). Encouragés par des textes
officiels réaffirmant les valeurs de l’école inclusive !
Ces évolutions ne
se font toutefois qu’au niveau du micro-environnement, au mieux du
meso-environnement. Sans remise en cause des finalités réelles et du
fonctionnement réel du système éducatif (ségrégation, reproduction sociale,
sélection…) à travers objectifs, programmes et organisation. La perspective
inclusive s’apparente dans ces conditions à un bricolage, qui améliore au mieux
une situation locale. Avec l’impression,
pour les acteurs engagés, de se battre contre des moulins à vent, face à la
quantité d’obstacles qui se dressent devant la mise en place de pratiques
inclusives, qui sont installés par un système qui pratique des politiques
ségrégatives sur le plan social. L’école sera inclusive pour les élèves en
situation de handicap lorsqu’elle mettra en œuvre politiquement et pratiquement
la mixité sociale.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire