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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 3 septembre 2024

surtout, ne pas former au handicap !

Surtout, ne pas former au handicap !

Il est pour le moins paradoxal, sinon provocateur, d’adresser cette apostrophe dans un moment où, pour favoriser l’école inclusive, tout le monde s’accorde à affirmer la nécessité d’une formation des enseignants et autres professionnels des équipes éducatives. Et pourtant, la question se pose, dès lors qu’on s’interroge sur la nature et les contenus de la formation dont il serait question. Si en effet l’approche culturelle du handicap est celle d’une conception individuelle et biomédicale, et que c’est cette approche qui est transmise dans la formation, celle-ci risque d’avoir des effets contre productifs, et contraires à l’idée même d’inclusion. Affirmer (et transmettre) que le handicap est dû aux caractéristiques individuelles de la personne (maladies, troubles, déficiences, incapacités, limitations…), c’est affirmer la responsabilité de la personne dans les situations qu’elle vit. « Pas de bras, pas de chocolat », disait l’autre.

C’est pourtant ce sur quoi se focalisent les formations qui s’attachent à une description des troubles ou incapacités liés à telle ou telle déficience. La personne, l’enfant, est réduit aux symptômes identifiés, constituant des écarts par rapport à la norme, écarts appelés moralement à être tolérés et techniquement à être réduits par diverses compensations, dont celle de l’enseignant devant s’adapter spécifiquement à ces caractéristiques. Former des enseignants, ou autres professionnels, à la technicité des troubles, à leurs caractéristiques neuro-bio-psycho-développementales, aura pour principal effet de mettre de la distance (de la différence) entre celui ainsi décrit, et les « autres ». L’élève « différent » sera ainsi aussi « étrange », dans la liminalité. Il apparaitra d’autant plus « hors normes » et susceptible d’être éloigné de tout dispositif inclusif. Il ne fait pas partie de la diversité, mais de la différence (d’une séparation) radicale.

C’est néanmoins et véritablement le risque pris lors des « sensibilisations » au handicap, le plus souvent réalisées par des « experts » médicaux ou paramédicaux. Y sont ainsi présentés par ordre successif les causes éventuelles de la déficience ou des troubles, ses caractéristiques anatomiques, physiologiques, biologiques ou neurologiques, ses conséquences fonctionnelles et sociales, ses traitements médicaux et compensatoires, et d’adaptation de l’environnement au trouble spécifique et à la personne concernée (notons que l’on ne parle pas ici d’accessibilité, dans le sens d’une transformation structurelle de l’environnement). Le résultat de telles sensibilisations en est une confirmation des représentations biomédicales des situations, accompagnée de la conviction que de telles caractéristiques, naturalisées et ontologisées, ne peuvent relever que d’experts, dans le domaine médico-psychologique de préférence.

Alors que faire, sachant que les espaces et institutions dits de droit commun sont loin de « l’inclusion » des personnes en situation de handicap ? En premier lieu, c’est éviter le risque de pérennisation de cet éloignement en réalisant des sensibilisations renforçant la représentation de l’attribution du problème du handicap à la personne concernée.

En réalité, ce qu’il faut mettre en perspective lorsque l’on parle de formation dans ce domaine, c’est un changement d’éthique. C’est former non à tel ou tel handicap, mais à la transformation de l’école afin d’accueillir le mieux possible tous les enfants, et en particulier ceux qui rencontrent des difficultés, qu’ils soient handicapés ou non. C’est là le véritable sens de l’éducation inclusive. Une pédagogie différenciée (méthodes, contenus, supports…) a des effets inclusifs autrement tangibles qu’une sensibilisation à un handicap. Il s’agit là d’une formation éthico-pédagogique, donnant aux enseignants et à leur institution les moyens de trouver et de mettre en œuvre une école égalitaire pour tous, donc d’accueillir mieux tous les élèves, sur la base des droits de tous à être scolarisés. Les techniques de compensation proposées par les experts ne sont là que pour compléter le dispositif pédagogique, pas pour le remplacer.

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