Des obstacles méconnus à l'inclusion
On incrimine souvent les enseignants d’être des obstacles quand il s’agit d’inclure des enfants en situation de handicap à l’école, quelque soit le niveau. De tribunes en réseaux sociaux, on observe en effet des phénomènes de résistance à la scolarisation de ces enfants dans l’école de tous, se manifestant par des refus d’accueil dans la classe, des chantages aux moyens, des demandes d’orientation vers le spécialisé, des absences ou refus d’aménagements, des justification d’une école élitiste, etc…C’est l’écume qui devient apparente, tandis que dans le même temps, moins médiatisé, on voit de nombreux enseignants mettre en œuvre des dispositifs à destination de ces élèves : aménagements pédagogiques et méthodologiques, bienveillance de l’accueil, reconnaissance des droits d’être élève du système éducatif. De nombreux supports d’adaptation circulent.
Si l’école n’est pas pour autant inclusive, il faut
peut-être en chercher les raisons ailleurs. Les obstacles, méconnus ou
délibérément ignorés, se trouvent aussi dans l’organisation même du système
éducatif, dans son administration comme chez ses administrateurs, responsables
d’établissements, inspecteurs de l’Education nationale, directeurs
départementaux des services…
Une situation que j’ai expérimentée il y a une quinzaine
d’années, qui pour datée qu’elle soit, trouve encore ses épigones aujourd’hui,
illustre à merveille comment se construisent et se pérennisent ces obstacles,
qu’on peut dès lors qualifier de structurels. Il s’agissait d’un groupe de
jeunes sourds, orientés par la MDPH en Institut d’Education Sensorielle, qui
constituaient une « classe » de 6ième. Celle-ci était
externalisée dans un collège de secteur, où ils participaient, accompagnés par
des professionnels de l’IES (enseignants spécialisés ou interfaces en langue
des signes) à environ 70% des cours dans une des classes de 6ième du
collège. Il avait fallu négocier avec le principal du collège qu’ils soient
intégrés (comme on disait à l’époque) dans une seule classe, et non dispersés
dans plusieurs classes : l’argument économique de l’accompagnement
nécessaire le permit, contre l’argument du risque d’un ghetto
identitaire !
Il demeurait un problème majeur : ils n’étaient pas
inscrits au collège, ils étaient donc non comptés dans les effectifs du
collège, en sureffectif ; ils n’existaient pas au regard de
l’administration de l’Education nationale. Les classes étant surchargées, le
principal put toutefois concéder d’affecter 27 élèves dans une des classes (les
autres classe étaient à 29 ou 30), auxquels s’ajoutaient les 5 élèves sourds
concernés, accompagnés, sur 70% du temps scolaire de cette classe. Inscrits au
collège et comptabilisés, ils auraient modifié des dotations de classes (une
classe en plus), ce dont il n’était absolument pas question pour les instances
des services académiques. Au fil des échanges avec l’administration, l’IEN
chargé des élèves handicapés usa d’arguments plus éculés les uns que les autres
pour refuser absolument cette inscription, que nous considérions pourtant, conformément
à ce que nous comprenions de la loi de 2005, comme de droit : « il
n’est pas possible de les comptabiliser deux fois dans l’Education nationale et
dans le médico-social » - « Mais pourtant la loi de 2005… » -
« Qu’ils s’inscrivent dans le collège de leur secteur
d’habitation ! » Ce qui fut fait, sans effet sur quoi que ce soit,
sinon une incompatibilité d’inscription ! Ce même inspecteur apparaissait
dans la presse locale comme étant un promoteur des l’intégration/inclusion des
élèves handicapés à l’école, pendant qu’il s’escrimait à mettre une multitude
d’obstacles à toute évolution.
Cette situation de fin de non-recevoir dura près de dix ans,
avec des épisodes plus fantaisistes les uns que les autres, malgré la création
des Unités d’enseignement, celles-ci externalisées par la suite. Ce n’est pas
seulement l’immobilisme administratif qui fait obstacles, mais les hommes et
les femmes qui organisent cet immobilisme. Si quelques avancées ont eu lieu,
différents témoignages laissent à penser que l’on se heurte toujours aux mêmes
résistances et obstacles.
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