Troublants diagnostics de troubles
Les causes d’un handicap, essentiellement attribuées traditionnellement à des maladies et des déficiences, se sont élargies à la notion de troubles. Il est intéressant d’observer dans cette évolution que des notions ont pu être précisées Ainsi la notion de déficience intellectuelle manquait-elle de déterminants dans le système anatomique. Elle est devenue « Trouble du développement intellectuel (TDI) » avec la récente recommandation de bonne pratique mis en ligne par la HAS (5 octobre 2022). On sort d’une attribution déficitaire de l’organisme (physique ou psychique) pour prendre en considération des notions plus complexes comme des incapacités entrant dans la catégorie des troubles, à côté de ce qui est observable dans les déficits corporels. La définition des troubles du développement intellectuel acquiert par conséquent une meilleure précision et une approche plus complète et complexe des situations. De la même manière, les troubles des apprentissages, à défaut d’avoir des certitudes sur les détériorations neurologiques, s’observent-ils sur la réalisation d’aptitudes dans divers domaines (attention, langage, motricité, mémoire…).
Ainsi des observations sont effectuées dans différents
domaines d’aptitudes, domaines qui a priori n’ont rien à voir avec la médecine.
Les capacités ou incapacités cognitives par exemple sont évaluées, par tests ou
observations, autant par des psychologues que par des enseignants, les
capacités ou incapacités langagières par des orthophonistes ou des
professionnels qui sont en contact quotidien avec l’enfant. Les contributions
d’observations, non médicales, constituent le tableau « clinique »
qu’un médecin définit comme trouble. Des observations non médicales deviennent
un diagnostic médical. Le diagnostic donne ainsi une justification médicale, à
apparence scientifique, pour des phénomènes dont on élimine ainsi la pluri
factorialité. On affecte aux caractéristiques personnelles (biologiques,
neurologiques…), décrites parfois par d’autres professionnels, dans une liste
cumulative d’incapacités (intellectuelles, langagières, comportementales,
perceptives, motrices, etc.), la définition et les diagnostics de troubles. Le
sceau médical vient clore la discussion : puisque c’est médical, le
trouble appartient à l’enfant.
Un « trouble de l’attention, avec ou sans hyperactivité »
relève-t-il de la « maladie » ou de la déficience d’une personne,
parce diagnostiqué comme tel par le diagnostic médical ? Il est
diagnostiqué se basant sur des observations de la manière dont l’attention, la
mémoire, la conscience de la réalité, le raisonnement, la sociabilité, le
contrôle des pulsions et des émotions, le contrôle moteur, etc. s’effectuent et
se réalisent. Si toutes (ou plusieurs) cases sont cochées négativement, le
diagnostic médical s’impose : il y a trouble. Le trouble est diagnostiqué
sur une mesure des aptitudes, qui n’ont rien de « médical ». Dès
lors, le trouble devient maladie et caractéristique de l’enfant concerné.
« Possédant » le trouble, tout ce qu’il fait, réussit ou échoue, est
attribué à la possession du trouble, comme symptômes.
Mais s’interroge-t-on sur ce qui est constitutif ou cause de
ce trouble ? Et si l’enfant ne supportait pas le rythme de l’école et ses
modalités d’apprentissage ? Et s’il était violemment harcelé pendant les
temps péri-scolaires ? Et si, à la maison il subissait des violences, ou
s’il avait des activités ou vivait des situations qui ne lui permettent pas de
maintenir son attention ? Et s’il avait des préoccupations qui
l’empêchaient d’être attentif ? Et s’il avait des conditions de vie
défavorables ? L’une ou l’autre de ces conditions constituent-elles une
maladie ou un trouble. La diagnostic de trouble conduit plus facilement à un
traitement par Ritaline, régulant l’adaptation d’un enfant aux normes
attendues, qu’à une intervention ou action auprès de l’environnement (scolaire,
social, familial…) autrement plus complexe à penser et difficile à réaliser. Ce
faisant, on ne fait que reproduire la vieille idéologie qui attribue le
handicap à la personne seule, responsables de sa situation parce que ayant un
trouble.
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