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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 24 mai 2023

des troubles envahissants...

 Des troubles envahissants...

Les nouvelles dénominations et définitions de ce qui était auparavant nommé déficience intellectuelle ou mentale inscrivent désormais cette caractéristiques dans les troubles neurodéveloppementaux (TND), sous la rubrique : troubles du développement intellectuel (TDI). « Le trouble du développement intellectuel (TDI) est un trouble du neurodéveloppement (TND) apparaissant durant la petite enfance. Il est caractérisé par : une limitation des fonctions intellectuelles (raisonnement, résolution de problèmes, planification, abstraction, jugement, etc.) ; un déficit des comportements adaptatifs (déficit dans un ou plusieurs champs de la vie quotidienne comme la communication, la participation sociale, etc.). » (HAS, octobre 2022). On peut penser que le passage de la notion de déficience, restrictive dans son évaluation/diagnostic comme dans sa définition « organique » et fonctionnelle,  à la notion de trouble, avec son évolutivité développementale et ses caractérisations plus globales, permettra une ouverture vers la prise en compte des multiples facteurs concourant aux troubles en question.

Toutefois, il apparait que la définition du trouble se caractérise par une série de deux écarts (une limitation et un déficit) par rapport à des normes établies pour la population du même âge. Les écarts en question portent à la fois sur la réalisation d’aptitudes (les fonctions intellectuelles) et sur la réalisation d’habiletés sociales (les comportements adaptatifs). Les premières sont évaluées par un certain nombre de tests, que maitrisent les psychologues. Pour les secondes, c’est beaucoup plus problématique.

Ce que d’aucuns appellent, d’une autre formulation, « compétences socio-adaptatives » comporte des éléments ambigus, tels que la conformité aux règlements, aux lois, ou plus généralement aux coutumes et aux habitudes de vie. Cela signifie-t-il, dans une lecture littérale, que la non-conformité serait de nature, ici dans le TDI, mais aussi dans d’autres troubles et pourquoi pas de manière générale, à être caractéristique d’un trouble ? La question n’est pas posée de manière innocente. En effet, la pathologisation de certains comportements, et en particulier la compétence socio-adaptative, a été, souvent dans l’histoire, une manière de neutraliser des populations. Sous le régime soviétique, l’opposition politique a mené directement (quand ce n’était pas à la mort) dans les asiles psychiatriques des militants dûment diagnostiqués comme malades (fous). Les noirs américains en lutte contre le pouvoir raciste dans les années 1960-1970 (les activistes des Black Panthers) étaient considérés et diagnostiqués comme schizophrènes à l’observation de leurs comportements (colère, sentiment d’injustice, poings brandis, discours haineux, violence…).

Alors aujourd’hui, quelles pourraient être les dysfonctionnements des compétences socio-adaptatives qui identifieraient un trouble ? La colère contre l’injustice sociale, l’activisme contre l’inaction climatique, la lutte anti-validiste, l’utilisation de la violence pour défendre le droit de manifester ou de grève, la résistance aux forces dominantes ou à l’idéologie politique hégémonique, le soutien aux migrants, etc., sont-ils des troubles du neurodéveloppement ? Dans la mesure où ils constituent des écarts avec les normes établies dominantes, sont-ils à surveiller ? Certaines batteries de test investiguent même des domaines comme le comportement professionnel : ne pas avoir de troubles signifie-t-il se soumettre au règles managériales, ne pas être syndiqué, ne pas critiquer le fonctionnement de l’entreprise, adhérer au projet et aux valeurs de celles-ci, consentir à la souffrance au travail ?

Si ce questionnement semble excessif ici, il ne faut pas oublier l’instrumentalisation des écarts (par diagnostic) pour stigmatiser des personnes, individuellement ou collectivement, sous le prétexte de leur éloignement des normes dominantes. L’extension et la généralisation de la notion de trouble portent en leur sein des dangers pour la pleine et entière reconnaissance de la diversité humaine, et pour la démocratie.

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