Situation de handicap pédagogique
Les évolutions lexicales que l’on peut observer, substituant les termes « situation de handicap » à celui de « handicap » ne sont pas sans ambiguïtés. En témoigne l’utilisation d’expressions comme « situation de handicap sensoriel » ou « situation de handicap intellectuel », attribuant en définitive les attributs de la situation aux caractéristiques de la personne (capacités/incapacités sensorielles, intellectuelles). Et non, comme l’établit la notion même de situation, comme un phénomène ou un événement à l’intersection, à l’interaction entre les caractéristiques d’une personne et les caractéristiques de l’environnement dans lequel elle vit. Celui-ci peut être un obstacle, ou au contraire un facilitateur, dans la réalisation d’une activité personnelle ou sociale, d’une situation ou d’une habitude de vie.
Je peux me retrouver en situation de handicap lorsque je
veux me déplacer, me préparer à manger, faire mes apprentissages scolaires,
avoir un travail, aller voter, etc…Certains environnements peuvent ne pas
présenter d’obstacles lorsque j’ai telle ou telle caractéristique, et en
présenter lorsque j’ai telle ou telle autre. On voit bien que dans l’analyse
d’une situation de vie, ce n’est pas la sensorialité, ou les capacités
intellectuelles qui peuvent constituer à elles seules la situation de handicap,
mais leur rapport à comment est fait l’environnement. Comment il permet ou non
d’exercer une activité ou une habitude de vie. La notion de situation de
handicap caractérise par conséquent, non une personne (« situation de
handicap sensoriel ») pas davantage un environnement (« situation de
handicap géographique » ! ), mais la mise en rapport entre les deux
dans la vie d’une personne : je ne peux pas aller au cinéma (mon habitude
de vie de loisirs) parce que la salle ne dispose pas d’aménagements
(environnement) et que je me déplace en fauteuil (moi).
C’est à ce titre qu’on peut parler de situation de handicap
pédagogique à l’école. Tous les élèves ont des particularités sociales,
physiques, psychiques, mentales…, chacun les siennes. L’école a un certain
fonctionnement pédagogique, comme par exemple des programmes et progressions
annuelles, des classes de niveau, des modalités d’apprentissages, d’exercices et
d’évaluation, des rythmes, des interrelations autorisées, etc. Le
fonctionnement, ou certaines de ses modalités, ne convient pas à certaines
particularités de certains élèves, et parmi ceux-ci, de ceux qui ont des
particularités physiques ou psychiques qui les catégorisent comme enfants
handicapés. Lorsqu’il y a un hiatus entre le fonctionnement de l’école et les
particularités d’un élève, on peut parler d’une situation de handicap dans le
domaine pédagogique.
Car c’est bien dans une situation de vie, la vie d’élève,
que se produit une situation de handicap : l’élève et l’école ne sont pas
adaptés l’un à l’autre. Mais ce n’est pas à l’élève seul qu’on peut attribuer
la situation de handicap. Dans d’autres situations de vie (par exemple :
faire sa toilette, jouer au foot, prendre son repas…), l’enfant qui a une
déficience auditive en rencontrera pas de situation de handicap, il ne peut
être ontologiquement « en situation de handicap sensoriel ». Mais à
l’école, oui, il sera en situation de handicap pédagogique.
On peut rêver ! Rêver que des expressions comme « situation
de handicap sensoriel » n’aient plus cours, ni dans les discours, ni
surtout dans les représentations. Rêver que, s’il faut encore utiliser le mot
« handicap », on parle plutôt de situation de handicap pédagogique à
l’école, de situation de handicap au travail, dans la vie quotidienne, dans la
relation aux autres, etc, sans avoir à spécifier les caractéristiques de la
personne concernée. Ce qui permet de se soustraire à la pression mise sur la personne
pour ne plus être handicapée et à sa responsabilité dans l’identification de la
situation de handicap, et d’agir sur l’évolution des environnements en termes
d’accessibilité et d’inclusion.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire