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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 22 juin 2021

normalité, différence et surdité

 Normalité, différence et surdité

L’idée inclusive postule, dans son principe, qu’il n’y a pas de frontière tracée, pas de ségrégation, entre ceux que la société désigne spontanément comme « normaux » et ceux qu’elle désigne comme « différents », que la catégorie « différents » s’efface dans un seul ensemble, celui des singularités de tous et des appartenances diverses. Encore faut-il que les environnements, physique, social, attitudinal, n’instituent pas des frontières et des catégorisations. Le fonctionnement social et sociétal contredit d’emblée ce postulat par les catégorisations du handicap : il y a des handicapés, et il y a les autres.

Ces environnements fournissent par conséquent, au public en général ainsi qu’aux professionnels engagés dans les rapports avec les personnes en situation de handicap, des grilles pour penser les situations de ces personnes et des cadres d’action et d’organisation avec elles. La situation des Sourds est emblématique des impasses d’une société dite inclusive qui maintient ce type de catégorisations.

La déficience auditive, caractéristique corporelle qui définit socialement la surdité, est considéré comme une marque de l’anormalité : est « normal » celui qui entend. Dans ce postulat, la différence s’exprime comme un manque : un défaut d’audition, et les Sourds sont définis comme des personnes à qui il manque d’entendre. Mais du point de vue des personnes sourdes, ce n’est pas ainsi que s’exprime la différence : leur audition leur importe peu, mais leur importent davantage leur langue (la langue des signes), leur culture propre, leur rapport au monde et à la société, la manière dont les enfants sourds sont éduqués, etc. Il y a bien donc une contradiction entre deux approches de la situation des personnes sourdes dans la société. La première approche est déficitaire / intégrative : pour être dans la société, les sourds doivent mieux entendre et mieux communiquer dans la langue orale dominante ; la seconde approche est différentialiste / inclusive : pour faire partie de la société, les Sourds restent sourds, avec leurs spécificités et leurs capacités, et la société se doit de s’adapter (se rendre accessible) afin qu’ils puissent avoir une place satisfaisante dans la société.

Le choix d’une grille de lecture s’observe de manière critique dans l’éducation des enfants sourds. L’éducation des jeunes sourds est soumise de manière très contrainte aux conditions d’un diagnostic, avec ses suites élaborées dans la logique médicale de traitements d’une maladie qualifiant encore la surdité : équipements prothétiques, rééducation orthophonique et éducation oraliste. Lorsqu’une scolarisation individuelle s’avère difficile malgré ces « traitements », c’est le secteur médico-social qui vient en appui ou prend le relais, mais toujours avec la même grille de lecture. L’accompagnement médico-social ne peut se départir d’une approche et d’une action « réhabilitrices » ou réparatrices auxquelles son organisation la prédestine. Un « institut d’éducation sensorielle » rééduque l’oreille, n’a pas pour objectif, sauf à déroger à son statut politique, de développer une éducation bilingue (avec la langue des signes) sans y apporter son obligation médicale et sociale.

Les revendications d’éducation bilingue (enseignement en langue des signes et non pas de la langue des signes) y apparaissent incongrues, exagérées, extrémistes. Longtemps les directions d’établissement et les personnels en particulier médicaux et paramédicaux se sont opposés à la pratique de la langue des signes, encore plus à une éducation en langue des signes. Lorsque des parents y prétendaient, ils étaient soit conviés à chercher ailleurs des réponses, soit vilipendés comme manquant à leurs devoirs éducatifs en particulier lorsqu’ils refusaient les réponses médicalisées contenues dans le « pack » des réponses obligatoires. C’est ainsi que les réponses aujourd’hui sont encore largement insuffisantes dans l’offre d’éducation bilingue aux enfants sourds. Tant que cette approche trouvera à se développer, du diagnostic à l’éducation, on ne pourra prétendre à la qualification de société inclusive, les différences à prendre en compte relevant encore de l’anormalité.

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