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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 16 juin 2021

la solution c'est le client

"La solution, c'est le client !"

Le secteur médico-social se trouve à la croisée de plusieurs chemins. Son fonctionnement, issu d’une histoire longue, est aujourd’hui inadéquate avec la manière de prendre en considération les personnes en situation de handicap, leurs besoins, leurs aspirations, leurs situations de vie et leur place dans la société. Là où ces personnes demandent à accéder aux droits fondamentaux, à l’autonomie, à l’autodétermination, à la participation sociale, à la citoyenneté, bref à l’égalité avec les autres personnes, les institutions spécialisées n’ont jusqu’à maintenant donné que des possibilités restreintes et restrictives. Un certain nombre de solutions alternatives se sont toutefois mises en place, dans les marges, avec la volonté de se mettre en adéquation avec les réalités issues des évolutions sociétales.

Pour certains acteurs, une seule solution s’impose pour sortie de la situation actuelle, à la fois pour être au véritable service des personnes en situation de handicap et pour atteindre une efficience d’action : la seule solution c’est de considérer les personnes en situation de handicap comme clients des services, et non plus comme usagers dépendants des institutions. C’est une solution bien séduisante, avec des arguments forts, dont celui d’une liberté et d’une démocratisation des liens entre le bénéficiaire/client et le prestataire de service. La liberté qui est attachée à la position de client permet à celui-ci de faire des choix personnels, d’accéder aux services qu’il souhaite, d’être informé comme nécessaire, de pouvoir changer d’avis, de vivre dans le monde. Toutes possibilités qui, à première vue, participent de l’autodétermination, de la participation et de la responsabilité pour les personnes concernées.

Mais c’est peut-être oublier que si la notion est séduisante en tant que levier de démocratisation et de respect des choix et projets des personnes, la fonction de client n’est pas une fonction « abstraite », idéelle, détachée, à valeur universelle. Elle s’exerce dans un contexte politique, économique, culturel qui aujourd’hui est régi par un système capitaliste néo-libéral hégémonique. Et le contexte détermine, en dépit de tout, les caractéristiques attachées à la fonction et au fonctionnement du client.

Cette volonté de meilleur service au client est l’écho de phénomènes prégnants. Qui avait promis de démocratiser les transports, les logements de vacances, le travail ou la consommation de marchandises, avec le client comme valeur clé, sinon respectivement Uber, Airbnb, WeWork et Amazon ? Aujourd’hui, de nouvelles (ou anciennes) entreprises promettent aussi de démocratiser et rendre accessible tous les segments de la vie humaine et les biens jusqu’à maintenant considérés comme biens communs. Qui ne voit que cette promesse de démocratie ne fait que masquer des objectifs de sources de profit, en laissant libre cours à des formes sauvages d’exploitation, en détériorant les lois sociales, et en soumettant toute l’activité humaine à la pression économique. Dans ces services, le client est roi.

Autrement dit, lorsqu’on évoque la fonction client, en même temps que l’on valorise l’autodétermination, on adoube un marché qui quoi que l’on fasse reste un marché qui fonctionne sur la concurrence, la compétitivité, des niches de profit (y compris dans l’économie sociale et solidaire), avec pour conséquences les situations sociales actuelles d’exclusions, de désaffiliations, d’inégalités croissantes, de pauvreté et de misère. Comment, dans un tel monde, les plus vulnérables, ceux qui sont concernés par les interventions sociales et médico-sociales, ont-ils leur place ? La « main invisible du marché » a davantage fait la preuve de ses effets dévastateurs que de bienfaits avérés.

La clientélisation des personnes en situation de handicap peut certes les faire sortir de la dépendance dans laquelle elles se trouvent à l’égard des institutions. Mais a-t-on réfléchi au coût des conséquences dans un marché et un système de plus en plus excluant et sauvage, qui renforcerait la dépendance ?

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