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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 28 janvier 2019

"c'est trop difficile pour eux"

"C'est trop difficile pour eux ! "


Dans les parcours de scolarisation des enfants en situation de handicap, les questions qui se posent sont cruciales quand il s’agit de leur « passage dans la classe supérieure » ou de leur orientation. Lorsque cette question se pose dans le cadre d’un Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) mettant en présence l’élève, ses parents, des professionnels de l’établissement scolaire et d’un service médico-social spécialisé dans leur accompagnement, on assiste bien souvent à des prises de positions et des propos reflétant les représentations profondes des acteurs sur les personnes qui vivent des situations de handicap.

Il m’est arrivé souvent d’être présent lors des questions d’orientation de fin de 3ième en collège pour de jeunes élèves sourds, dont certains ayant fait un cursus collège dans des conditions d’inclusion et de réussite satisfaisantes, avec l’accompagnement de professionnels spécialisés (enseignants et interfaces en langue des signes). Bien souvent, à résultats quasiment égaux avec des élèves « entendants » (même si bien souvent les compétences en langue écrite péchaient un peu), j’ai entendu des professionnels (surtout ceux spécialisés en pédagogie auprès des jeunes sourds) indiquer l’impossibilité de poursuivre le parcours de scolarisation en lycée d’enseignement général, avec ce qui résumait l’ensemble des arguments : « C’est quand même trop difficile pour eux (les jeunes sourds) de faire des études générales en lycée ».

Cet argument s’appuyait sur un certain nombre d’arguments présents chez ces professionnels, et qui se manifestaient par ces propos, également bien souvent entendus : « Ils ont besoins de travailler beaucoup plus pour arriver aux mêmes résultats » ; « On demande quand même beaucoup d’abstraction en lycée général » (sous-entendu : dont les jeunes sourds ne feraient pas la preuve) ; « Le lycée professionnel est plus adapté, c’est plus concret, et il y a des stages », etc. Autrement dit, pour accéder au lycée général, un jeune sourd devrait avoir des résultats remarquables, en tout cas bien supérieurs aux résultats qui permettraient à des « entendants » d’y accéder. C’est là une légitimation soft d’une forme de discrimination.

Bien évidemment, la parcours de formation en lycée d’enseignement général n’est pas simple, et nombre d’élèves, quels qu’ils soient et quelles que soient leurs caractéristiques, y rencontrent des difficultés. Mais quand il s’agit d’élèves en situation de handicap, le réflexe (et même le modèle anthropologique) des professionnels est de trouver dans l’élève handicapé la cause et la source des difficultés éventuelles, et à ce titre de l’en dispenser, plutôt que de réfléchir aux différents moyens (pédagogiques, didactiques, méthodologiques, etc.) qui permettraient d’envisager avec une plus grande sérénité un parcours d’élève handicapé dans le second cycle général, moyens qui vraisemblablement ne seraient pas inutiles pour d’autres élèves.

Alexandre Jollien, dans Eloge de la faiblesse (1999-2007), raconte son expérience de jeune handicapé, sous une forme humoristique, dans un dialogue imaginaire entre Socrate et lui-même, et comment ces a priori de l’environnement professionnel s’imposent à lui (la passation des tests psychologiques l’inscrivant tout en bas de l’échelle des performances est un moment d’anthologie – page 86). Il raconte aussi comment il s’en accommodait en répondant en quelque sorte à la commande.

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