"C'est trop difficile pour eux ! "
Dans les parcours de scolarisation des enfants en situation
de handicap, les questions qui se posent sont cruciales quand il s’agit de leur
« passage dans la classe supérieure » ou de leur orientation. Lorsque
cette question se pose dans le cadre d’un Projet Personnalisé de Scolarisation
(PPS) mettant en présence l’élève, ses parents, des professionnels de
l’établissement scolaire et d’un service médico-social spécialisé dans leur
accompagnement, on assiste bien souvent à des prises de positions et des propos
reflétant les représentations profondes des acteurs sur les personnes qui
vivent des situations de handicap.
Cet argument s’appuyait sur un certain nombre d’arguments
présents chez ces professionnels, et qui se manifestaient par ces propos,
également bien souvent entendus : « Ils ont besoins de travailler
beaucoup plus pour arriver aux mêmes résultats » ; « On demande
quand même beaucoup d’abstraction en lycée général » (sous-entendu :
dont les jeunes sourds ne feraient pas la preuve) ; « Le lycée
professionnel est plus adapté, c’est plus concret, et il y a des stages »,
etc. Autrement dit, pour accéder au lycée général, un jeune sourd devrait avoir
des résultats remarquables, en tout cas bien supérieurs aux résultats qui
permettraient à des « entendants » d’y accéder. C’est là une
légitimation soft d’une forme de discrimination.
Bien évidemment, la parcours de formation en lycée
d’enseignement général n’est pas simple, et nombre d’élèves, quels qu’ils
soient et quelles que soient leurs caractéristiques, y rencontrent des
difficultés. Mais quand il s’agit d’élèves en situation de handicap, le réflexe
(et même le modèle anthropologique) des professionnels est de trouver dans
l’élève handicapé la cause et la source des difficultés éventuelles, et à ce
titre de l’en dispenser, plutôt que de réfléchir aux différents moyens
(pédagogiques, didactiques, méthodologiques, etc.) qui permettraient
d’envisager avec une plus grande sérénité un parcours d’élève handicapé dans le
second cycle général, moyens qui vraisemblablement ne seraient pas inutiles
pour d’autres élèves.
Alexandre Jollien, dans Eloge
de la faiblesse (1999-2007), raconte son expérience de jeune handicapé,
sous une forme humoristique, dans un dialogue imaginaire entre Socrate et
lui-même, et comment ces a priori de l’environnement professionnel s’imposent à
lui (la passation des tests psychologiques l’inscrivant tout en bas de
l’échelle des performances est un moment d’anthologie – page 86). Il raconte
aussi comment il s’en accommodait en répondant en quelque sorte à la commande.
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