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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 23 janvier 2019

dire, pour (et) ne pas agir

Dire, pour (et) ne pas agir


Publié dans Lien Social, n° 1242 
du 8 janvier 2019

On assiste actuellement à un étonnant phénomène de simultanéité avec une célébration intense de l’école et de la société inclusive, et l’existence opiniâtre de nombreuses et graves difficultés vécues par les élèves handicapés et leur famille à faire concrétiser au quotidien le droit, inclusif, de leur enfant à aller à l’école dans des conditions satisfaisantes. Le réel résiste au discours. Et pourtant…

Les mots ont ce pouvoir, extraordinaire et étrange, de faire advenir des réalités. C’est la fonction performative du langage, par lequel un énoncé réalise lui-même ce qu’il énonce. Dit autrement par P. Bourdieu, un discours qui prétend à décrire une vérité finit par installer la réalité décrite dans le discours. Cette conception du langage se trouve vérifiée de manière paroxystique aujourd’hui avec le phénomène des fake news (les infox), où le discours prétend délibérément informer d’une vérité dont la réalité n’est construite que dans le discours émis.

C’est un peu ce qui se produit dans un discours inclusif sur l’école, qui masque l’absence chronique de mise en place de facilitateurs de l’inclusion sur le terrain. « L’école de l’inclusion ou l’école de la gesticulation » titrait la revue ASH (26 octobre 2018) à propos du suivi des mesures annoncées par la conférence de presse Ensemble pour l’école inclusive du 18 juillet 2018. Et c’est bien l’impression que donne ce phénomène, de créer une vérité par le discours sans que l’on voie la réalité changer, ou même sans que l’on sache si la volonté de changement n’est pas davantage dans le discours que dans la réalité, en parlant au présent de l’indicatif de choses qui ne sont ni advenues, ni réalisées.

Il n’est certes pas inutile de marteler à longueur d’intervention le principe et la volonté d’une école inclusive et de l’inclusion des élèves en situation de handicap dans l’école : cela contribue indéniablement au changement de regard et de représentations sur les élèves handicapés, cela contribue aussi vraisemblablement à la prise d’initiatives incluantes par les enseignants et les autres élèves.

Mais l’omni présence du discours a également un autre objectif, celui de se satisfaire de ce discours, d’occuper l’espace afin de faire croire que le discours positif sur l’inclusion reflète une réalité inclusive. C’est ainsi que cette conférence de presse présente toutes les avancées de l’inclusion depuis un année de gouvernement, des mesures annoncées comme fondamentales et susceptibles de mettre en œuvre des changements radicaux, mais qui sont essentiellement des mesures de concertation. La description des PIAL (Pôles inclusif d’accompagnement localisés), nouvelle mesure innovante favorisant l’inclusion, est particulièrement indigente dans son contenu, sans que l’on sache en quoi ils se distinguent et sont plus performants que les ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire).

Une telle utilisation du langage amène à utiliser de fausses informations, ou à les transformer pour faire du discours tenu une véritable infox. Ainsi, il fut annoncé la création d’une dizaine de milliers de poste d’AESH, alors que nombre d’entre eux étaient déjà en poste sous le statut d’AVS.

Le discours politique tenu tient donc d’une certaine mystification : s’il ne crée pas une réalité d’inclusion, le discours inclusif omni-présent fait fonction de création de l’inclusion, laissant de côté les mesures concrètes nécessaires à sa réalisation et à son avènement. Dire dispense d’agir, dire est une manière de se dispenser d’agir.

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