Droit de vote des personnes handicapées
J’étais persuadé, que dis-je, convaincu avec une aveuglante
bonne foi, que les personnes en situation de handicap détenaient, comme tout
citoyen, le droit de vote. Naïf que j’étais. Certaines personnes handicapées ne
peuvent pas voter. Le rapport de la Commission Nationale Consultative des
Droits de l’Homme (CNCDH) du 26 janvier 2107, intitulé « Avis sur le droit de vote des personnes handicapées Citoyenneté et handicap : «Voter est un droit, pas un privilège » (l’avis concerne les personnes
vivant avec un handicap intellectuel ou psychique) m’a fait découvrir cette
inadmissible incongruité ! « Cette
situation est d’autant moins satisfaisante qu’elle constitue clairement une
discrimination à l’égard des personnes handicapées, au sens où la définit la
Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, que
la France a ratifiée le 18 février 2010. »
En effet les personnes handicapées sous tutelle n’ont pas le
droit de vote. Il y a certes d’autres citoyens qui n’ont pas le droit de vote,
il s’agit de personnes pour lesquelles la justice a prononcé une sanction en
raison de ce qu’elles ont fait. La justice dans ce cas suspend, de manière
provisoire, une partie des droits, dont ceux par exemple d’habiter à tel
endroit, de ne pas travailler auprès d’enfants, de ne pas se présenter aux
élections, de ne pas aller voter. Toutes décisions en principe liées en
principe à des actes délictueux commis par ces personnes.
Mais dans le cas des personnes handicapées, le droit de vote
est enlevé en fonction de ce que les personnes sont, non en fonction de ce
qu’elles auraient fait. Oui objectera-t-on, mais c’est parce qu’elles ont fait
l’objet d’une décision de tutelle, c’est-à-dire d’une décision de justice qui
suspend les droits de la personne, en raison de dangers qu’elle peut présenter
pour elle-même (gestion de son budget, de ses relations, de sa vie) ou pour les
autres. Mais on peut aussi poser la question autrement : pourquoi
sont-elles sous tutelle, sinon en raison de ce qu’elles sont, c’est-à-dire des
personnes qui ont un statut de personne handicapée en raison d’une maladie,
d’un trouble, d’une déficience ou d’incapacités ? Donc de ce qu’elles
sont !
Et même, en supposant que « la nature » de la
personne puisse la mettre en danger sur certains aspects (par exemple son
incapacité totale à gérer un budget), ce qui pourrait justifier d’une tutelle
partielle, en quoi serait-il dangereux, pour elle ou pour les autres, qu’elle
puisse voter ? D’autant que l’évaluation pour cette perte de droits est « laissée à l’exercice subjectif et
solitaire du juge des tutelles, qui n’a pour tout appui extérieur, qu’un
certificat médical dans lequel le droit de vote apparait souvent en termes
laconiques.»
Alors oui, il est urgent que quelqu’un se saisisse de cette
anomalie, que, comme le recommande le CNCDH, il soit procédé à l’abrogation des
dispositions du code électoral restreignant le droit de vote des personnes
vivant avec un handicap intellectuel ou psychique. Car la pérennité de cette
disposition confirme que dans nos représentations comme dans nos textes il y a
encore le sentiment qu’il y a « des vies minuscules » (Charles
Gardou : la société inclusive, parlons-en, érès, 2012) et des citoyens
inutiles (Pascal Jacob : Il n’y a pas de citoyens inutiles, Dunod, 2016).
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