Un effet du handicapisme
Un certain nombre d’attitudes professionnelles à l’égard des
personnes handicapées relèvent de ce qu’on pourrait qualifier par le néologisme
« handicapisme ». Sur le modèle du terme « racisme », le
handicapisme pourrait se définir comme un système de représentations
d’inégalités, et ici de supériorité des valides sur les handicapés. Une
caractéristique physique (la couleur de peau là, une particularité organique ou
psychique ici) fait attribuer celui qui en est pourvu des caractéristiques
humaines différentes et inférieures, basées sur des stéréotypes.
Ainsi en est-il par exemple des raisons qui fondent le refus
d’utilisation, pour les jeunes élèves handicapés, des livrets de compétences
scolaires qui balisent les parcours scolaires de l’ensemble des élèves.
Depuis 1989 (loi d’orientation sur l’école), les livrets de
compétences ont été mis en place, tant bien que mal, et encore très
difficilement au collège, où le sacro-saint bulletin de notes reste la
référence. Depuis quelques années aussi, les paliers du socle commun deviennent
familiers.
Depuis 1989, les (des) enseignants spécialisés persistent à
penser que les jeunes élèves handicapés ne sont pas concernés par ce type
d’outils, ne sont pas concernés par les compétences dont le livret de
compétences atteste de l’acquisition. Et ils agissent en conséquence, soit en
récusant tout livret, soit en le décrétant inadapté à leurs élèves, et par
conséquent en l’adaptant.
Il s’agit là typiquement d’une idée relevant d’un certain
handicapisme : les élèves handicapés ne seraient pas en mesure, n’auraient
pas les capacités, d’acquérir les compétences et les connaissances attendues
réglementairement des élèves de 6 à 16 ans, et qui justement fondent le socle
commun partagé. Avant même de les situer dans les caractéristiques de maîtrise
des connaissances et compétences, et donc de savoir ce qu’ils ont acquis, les
élèves handicapés sont décrétés, parce qu’ils sont handicapés, hors des normes
attendues.
Les « risques » évoqués, en particulier le risque
de traumatismes en raison de la prise de conscience de l’écart avec les élèves
du même âge, l’incapacité à maîtriser certaines compétences (pensons à la
langue orale pour les sourds), ces risques sont nettement référencés à un a
priori d’infériorité des élèves handicapés à acquérir des compétences
standardisées (et même si c’est parfois avec un autre rythme), du simple fait
qu’ils sont handicapés.
Pour les jeunes sourds, c’est flagrant : pour beaucoup
d’enseignants spécialisés, la surdité est synonyme d’incapacité à acquérir des
connaissances et des compétences au même rythme que les autres : manque de
vocabulaire, manque d’information, manque de langue, manque de culture,, etc.
C’est en cela que cette attitude relève du handicapisme, ou plus précisément
ici de ce qui pourrait être qualifié, sur le même modèle lexical, de
« sourdisme », c’est-à-dire d’un racisme envers les sourds.
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