Une injonction paradoxale de l’inclusion
« Faites de l’inclusion, nous sommes là pour vous
dissuader de le faire » : telle pourrait être l’injonction paradoxale
de la scolarisation en temps partagé entre un établissement scolaire et des
services spécialisés qui sont censés permettre, favoriser ou développer
l’inclusion, le « nous » en question étant justement l’instance qui
manifeste l’écart existant entre ceux qui sont de droit dans l’école et ceux
qui y prétendent.
L’équipe de professionnels d’un dispositif médico-social
externalisé, dont l’accompagnement consistait pour une grande part dans la
scolarisation (co-enseignement, enseignements spécifiques) déplorait à juste
titre que les jeunes sourds de ce dispositif n’étaient pas considérés comme
« partie prenante à part entière » dans le collège.
De fait de nombreuses bévues attestaient de cette difficile réalité, alors que tout le monde s’accordait à dire que le collège, administration comme enseignants et équipe éducative, était véritablement accueillant, et que les professionnels spécialisés étaient convaincus qu’ils agissaient pour favoriser l’inclusion.
De fait de nombreuses bévues attestaient de cette difficile réalité, alors que tout le monde s’accordait à dire que le collège, administration comme enseignants et équipe éducative, était véritablement accueillant, et que les professionnels spécialisés étaient convaincus qu’ils agissaient pour favoriser l’inclusion.
Et donc, malgré ces conditions des plus favorables, le
collège ne parvient pas à être véritablement inclusif. Dans ce contexte, la
pierre est facilement jetée au collège en général. Mais peut-être faut-il
interroger d’autres raisons ?
C’est peut-être aussi la présence, nécessaire pourtant, de
« professionnels spécialisés » qui « spécialise »,
c’est-à-dire qui met dans une situation de ségrégation, le statut de ces jeunes
élèves. Cette présence qui se manifeste par une multitude d’actes quotidiens
qui finalement singularisent les jeunes sourds en tant que catégorie
particulière, et non pas en tant que catégorie avec des besoins particuliers.
Et ceci à tous les niveaux.
Moi le premier, en tant que chef de service, combien de fois
n’ai-je pas pris des initiatives, anticipé des évènements et des problèmes
éventuel, etc… qui en définitive ont dispensé le collège de prendre ses
responsabilités administratives concernant ces élèves. Et sans doute bien des
choses se sont-elles bien passées, mais au prix d’une ségrégation symbolique
avec des effets réels.
Lorsque les enseignants spécialisés font du co-enseignement
dans une classe, interprétant en langue des signes, mais aussi adaptant
l’enseignement qui est dispensé aux autres collégiens, ils donnent à voir aux
enseignants et aux élèves, que ces élèves sourds sortent du cercle pédagogique
de l’enseignant du collège (ce qui n’est pas le cas quand il s’agit d’un interface
en langue des signes, qui laisse l’entière responsabilité pédagogique à
l’enseignant du collège). L’enseignant peut ainsi se dispenser en quelque sorte
de sa responsabilité pédagogique et ne pas se préoccuper des réponses aux
besoins particuliers. On le voit par exemple dans le désengagement des
enseignants du collège, et de manière proportionnellement inverse dans le
surengagement des enseignants spécialisés, lors des équipes de suivi de
scolarisation en ce qui concerne la légitimité professionnelle de l’évaluation
« Je ne sais pas trop, c’est lui le spécialiste ».
C’est donc ici une des injonctions paradoxales qui font
obstacle à l’inclusion : le principe de la conviction inclusive se heurte
à des pratiques professionnelles qui n’engagent pas à l’inclusion, voire qui la
dissuadent.
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