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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mardi 9 décembre 2025

personne en situation de handicap : est-ce la bonne formulation ?

Personne en situation de handicap : est-ce la bonne formulation ?

Avec la formulation « personnes en situation(s) de handicap, on pensait avoir trouvé la formule adéquate pour qualifier des situations dans lesquelles l’interaction entre des caractéristiques environnementales et des caractéristiques personnelles produisait des situations dans lesquelles une personne n’était pas en mesure de réaliser une habitude de vie.  C’est la définition et les caractéristiques qu’en donne le MDH-PPH dans la classification éponyme. Même si cette formulation n’est pas utilisée dans la convention des droits des personnes handicapées (CDPH), les situations correspondent bien à ce qu’en dit le MDH-PPH. Si tout le monde peut s’accorder à observer des situations de handicap (ou inversement des situations de participation sociale) dans la vie d’un certain nombre de personnes, il en est tout autrement de désigner des personnes en situation de handicap. Comme si l’existence d’une situation de handicap dans une situation de vie définissait la personne qui s’y confronte, en devenant une personne en situation de handicap.

Il importe pourtant de distinguer les notions et les concepts afin d’éviter toute ambiguïté. Dans le MDH-PPH, le situation de handicap « correspond à la réduction de la réalisation d’une ou plusieurs habitudes de vie, résultant de l’interaction entre les facteurs personnels et les facteurs environnementaux », l’habitude de vie étant « une activité courante ou un rôle social, valorisé par la personne ou son contexte socioculturel selon ses facteurs identitaires. » La notion de situation ne qualifie pas du tout une personne, mais ce qui lui arrive dans telle ou telle situation de vie. Dans cette configuration, une personne n’EST pas en situation de handicap, elle peut se confronter ici à une situation de handicap, là à une situation de participation sociale. Théo, 10 ans, veut faire du judo. Il s’adresse à un premier dojo : l’animateur est réticent au regard de ses limites intellectuelles : Théo rencontre une situation de handicap. Il va voir un deuxième dojo : l’animateur, enthousiaste, fait tout pour accueillir Théo : il rencontre une situation de participation sociale. Il est donc inapproprié de décrire Théo comme étant une personne en situation de handicap.

Là est bien le risque d’une telle formulation, d’essentialiser une difficulté vécue dans une situation de vie en une attribution d’une caractéristique déficitaire à la personne. Ce que l’on retrouve dans des formulations, aberrantes conceptuellement, comme « situation de handicap intellectuel ». Il y a une confusion, et un amalgame, entre une caractéristique individuelle, corporelle ou mentale, de l’ordre des limites de capacités, et une situation dans laquelle cette caractéristique peut se trouver en défaut en raison d’une inadaptation de l’environnement. En parlant de personne en situation de handicap (même si l’on n’y rajoute pas de caractéristique de déficience ou de limitations d’aptitudes), on court le risque de rabattre sur la personne ce que voulait éviter la notion de situation. On ne qualifie plus la situation, mais la personne. On revient par là à l’attribution traditionnelle du handicap à celui ou celle qu’un environnement non adapté (valide) met en difficultés dans différentes situations.

Par conséquent, cette formulation, en dépit de la nouveauté qu’elle pouvait laisser espérer, reste décevante : en se remettant dans le sillon depuis longtemps tracé des caractéristiques individuelles pour désigner les personnes concernées, on n’a pas gagné grand-chose. Les nouveautés conceptuelles imaginées, et partant, de nouvelles représentations, se sont perdues dans les marais des habitudes de pensée déficitaire. La formulation « personnes dites handicapées » (en regard d’une formulation « personnes dites valides ») serait-elle plus pertinente ? Elle permettrait en tout état de cause de distinguer la caractérisation des personnes de la caractérisation des situations qu’elle peuvent vivre, et de désessentialiser la problématique du handicap.

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