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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

jeudi 21 novembre 2024

de vieilles idées recyclées dans de nouveaux mots

De vieilles idées recyclées dans de nouveaux mots

C’est un phénomène qui semble fréquent, sinon universel. Dans le monde du discours, apparaissent de nouveaux mots, de nouvelles expressions, qui se généralisent souvent très rapidement, mais qui bien souvent désignent de réalités ou des paradigmes qui n’ont pas changé, et qui auparavant étaient désignés par un autre mot ou une autre expression. Le secteur médico-social, comme tous les secteurs d’activités, n’échappe pas à cette règle, il en serait même plutôt friand. On a ainsi vu émerger les expressions : situation de handicap, inclusion ou société inclusive, autodétermination, etc. Il est intéressant d’observer de quelle manière ce nouveau vocabulaire est utilisé (dévoyé) en tant que discours d’actualisation, modernisateur et innovant, évolutif, nouvellement universel alors que les réalités et les paradigmes auxquels il fait référence n’ont, eux, que peu évolué.

Ainsi en est-il de l’expression « situation de handicap ». Une situation n’est pas une personne. Une situation est ce qui caractérise ce qui se passe entre une personne et le milieu dans lequel elle est. Une situation de handicap désigne une situation dans laquelle une personne ne peut pas réaliser une habitude de vie à laquelle elle tient, en raison du rapport entre ses caractéristiques et les caractéristiques de l’environnement. Je ne peux pas aller au cinéma parce que la seule salle de cinéma à proximité n’est pas accessible : il s’agit là d’une situation de handicap pour une personne qui a besoin de mesures d’accessibilité. Si la définition de la notion de situation de handicap est claire et précise, son utilisation dans différents discours est dévoyée, comme l’atteste la fréquence des expressions comme « situation de handicap intellectuel », « situation de handicap sensoriel », etc. Ces expressions renvoient la notion de situation à la personne concernée (la personne n’est pas une situation), et non pas à l’interaction entre la personne et son environnement. Elles renvoient au paradigme classique et ancien de l’attribution du handicap à la personne, comme cela était conçu dans les approches individuelles bio-médicales.

L’inclusion, ou mieux aujourd’hui, l’environnement (école, société) inclusif, ont remplacé le terme intégration. Celle-ci consistait à accueillir, par exemple à l’école, des élèves sous conditions qu’ils ne soient pas très ou trop différents de la norme et/ou qu’ils puissent la rejoindre, sans penser le moins du monde que l’école ait à s’adapter radicalement à eux. Avec l’inclusion émerge l’idée que l’école doit s’aménager pour s’adapter aux élèves handicapés, puis avec l’école inclusive, qu’elle doit se modifier pour réaliser sa mission pour tous.  Mais le discours sur l’inclusion est encore très loin du droit de tout enfant à aller à l’école. Et de nombreux dispositifs dit d’inclusion ne sont en réalité que des avatars d’intégration : ULIS, IME en établissement scolaire, inclusion inversée…

L’autodétermination, dont se prévalent aujourd’hui tous les dispositifs d’accompagnement des personnes en situation de handicap, fait rupture avec des pratiques de restriction d’habitudes de vie, de manque d’indépendance, de protection étouffante, etc. Mais bien souvent, elle n’est envisagée que sous l’angle du développement personnel de la personne, qui se doit de se doter de capacités et de compétences, indépendamment de l’environnement. Ce qui revient à mettre sous ce terme les seules pratiques de rééducation dont l’objectif serait de se rapprocher de la norme, comme dans les anciens paradigmes des pratiques médico-sociales.

Il resterait à évaluer toutefois la valeur performative de ces nouveaux termes, et comment ceux-ci font quand même bouger les lignes. Malgré l’ancrage conceptuel dans d’anciens paradigmes, une expression nouvelle redessine partiellement le réel, produit parfois un réel nouveau. Cela permet donc parfois de faire un pas de côté par rapport à l’ancien paradigme, cela permet à certains professionnels d’ouvrir une nouvelle porte et de faire évoluer leurs pratiques. En remontant à contre-courant des vieilles idées recyclées dans les nouveaux mots.

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