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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 10 juillet 2023

lecture : Dans ta bulle ! de J Dachez

Dans ta bulle ! - Les autistes ont la parole

de Julie DACHEZ (Hachette, 2018, Poche, 2021)

Il n’est pas inutile de faire une recension d’un livre paru il y a déjà quelques années, d’autant qu’il a été republié en édition de poche plus récemment en 2021). C’est ce que je me propose de faire, après une deuxième lecture. Pas inutile, à l’heure où les autistes sont plus que jamais l’objet de jugements, de catégorisations et d’étiquetage davantage que de prise en compte générale dans la vie de tous les jours. Désormais les autistes sont catégorisés, d’un point de vue « médical » ou « politique » ( ?), parmi les troubles du neurodéveloppement (TND), dans les troubles du spectre de l’autisme (TSA). La labellisation par la qualification de trouble place d’emblée les personnes concernées dans les « non-normaux », elle prend le point de vue, les valeurs et les références des « neurotypiques » (terme en usage chez les personnes autistes), pour créer une catégorie (« neuroatypique ?) pour les personnes qui ne correspondent pas aux normes en usage ou attendus chez les premiers. Ce contre quoi s’insurge Julie Dachez : « Pour moi, l’autisme est une différence de fonctionnement, pathologisée par une société obsédée par la normalité » (p.24)

Et c’est bien là tout l’enjeu : quelqu’un qui ne fonctionne pas tout à fait (et même quelquefois de manière éloignée) comme la majorité de la population dans son rapport au monde et à son environnement, dans ses relations avec d’autres personnes, est-il pour autant l’équivalent d’un malade, enfermé dans la catégorie des troubles. Car le trouble, quelques soient ses objectivations biologiques ou génétiques, ou les caractéristiques d’un comportement ou d’une aptitude, reste une marque négative d’un écart à des normes attendues. Cet écart est la plupart du temps compris comme une forme de pathologie, ouvrant dès le diagnostic vers un parcours de soins. Si certaines personnes, dont l’autisme est visible, comme le caractérise J. Dachez, ont un besoin impératif de soins et d’accompagnements, d’autres ne se considèrent pas comme des sujets pathologiques, mais voudraient être reconnus dans leurs spécificités, sans être piégés par une caractérisation de pathologie ou de trouble. « Je vois l’autisme comme une particularité, une façon d’être, et je plaide pour le changement social plutôt que pour la psychiatrisation des personnes. » (p.29)

Certes le spectre est large, et entre les autistes dépendants et les autistes invisibles, parmi lesquels se place l’auteure, les problèmes et les difficultés ne sont pas identiques. Julie Dachez ne cherche pas d’ailleurs à établir de frontières, ni à l’intérieur ni aux limites de la population concernée, tant elle sait qu’à ce niveau, les choix qui peuvent être faits sont des constructions sociales. Et il y a la question du diagnostic : c’est celui-ci qui lui a permis de reconsidérer sa vie, de voir les choses autrement. La pathologisation et la notion de trouble autistique empêche de questionner les situations et les conditions de vie des personnes autistes autrement qu’en termes de soins à mettre en œuvre. En excluant les problématiques sociales et anthropologiques (de domination et de diversité).

Mais pour autant, même si le diagnostic a eu pour elle cet effet positif, elle n’assimile pas diagnostic, même posé par un médecin, comme une pathologie. C’est d’ailleurs l’un des problèmes que cela soulève : il est difficile de ne pas adhérer à la considération de l’autisme comme pathologie ou trouble, dès lors que c’est une instance médicale qui en conditionne la reconnaissance. On peut rêver : l’autisme pourrait être reconnu par un diagnostic anthropologique.

En plaçant la problématique des personnes autistes comparativement à d’autres populations, l’auteure nous fait bien comprendre que leur pathologisation est avant tout une construction sociale, avec laquelle il y a lieu de prendre des distances. « L’autisme n’existe que par opposition au neurotypisme. Et chaque population dominée (les Noirs, les femmes, les homosexuels, les autistes, etc.) l’est sur la base de critères arbitraires, naturalistes et essentialistes : les femmes seraient plus faibles qui les hommes, ce qui justifie qu’elles aient besoin d’eux, de leur force, de leur protection, et qu’elles soient à leur service. Les homosexuels auraient des pratiques contre-nature, ce qui justifie qu’ils soient persécutés. A une époque pas si lointaine, on considérait que les Noirs avaient un cerveau plus petit que les Blancs, ce qui a justifié qu’ils soient colonisés et réduits en esclavage. Et les autistes auraient une façon d’être et de communiquer déficitaire, ce qui justifie qu’ils soient guéris / discriminés / opprimés / stigmatisés, etc. » (p.30)

Ce que met aussi en avant Julie Dachez, ce sont les rapports de domination qui s’imposent aux personnes qui ont des fonctionnements différents, différents des normes instituées. Comme si la différence (la diversité) était le prétexte d’une infériorisation, d’une discriminations, d’une stigmatisation, d’une domination. Le parallèle qu’elle fait  Le parallèle qu’elle fait,, dans un chapitre, avec la condition féminine est tout à fait pertinent à cet égard, et encore plus quand il s’agit de femmes autistes (intersectionnalité).

Je pourrai disserter encore longuement sur l’intérêt de ce livre. Mais plus simplement : je vous encourage à le lire !

Extrait de la présentation

Dans une passionnante enquête, ce livre nous fait partager la démarche d’une jeune universitaire qui part à la rencontre de personnes autistes afin de leur donner la parole. Loin des clichés ordinairement véhiculés, cet ouvrage retrace les parcours de vie et de résilience hors normes d’autistes invisibles qui s’adaptent, se cachent, s’assument, se battent. En alternant récits de vie et savoirs académiques, avec un style énergique et drôle, l’auteure, elle-même autiste Asperger, bouscule nos idées reçues sur la normalité et nous invite à repenser notre société.

Vie scolaire et professionnelle, relations sociales, rapports homme-femmes : autant de sujets qui sont explorés  ici et sur lesquels ces atypiques posent un regard avisé et corrosif. En observant le monde à travers leur lorgnette, c’est curieusement sur vous-même que vous en apprendrez le plus.


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